Les Naufrageurs, opéra en deux (ou trois) confinements
- André Touboul
- 4 nov. 2020
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Anxiogènes. Le Premier Ministre et le Ministre de la santé perdent leur sang froid devant le Parlement. Jean Castex, le bonasse, à l’accent de chevrier pyrénéen aboie contre les Maires, avec lesquels il est supposé collaborer. Olivier Véran, vocifère pour s’indigner de l’état de l’hôpital dont il est responsable, et pour lequel il a fait d’imprudentes promesses, tout en restant inactif.
Contrastant avec cette crise de nerf de deux poids lourds du Gouvernement, on perçoit une étrange sérénité de la haute fonction publique, et parmi elle de Bruno Le Maire qui joue les Père Noël dont la hotte est pleine de milliards providentiels, oubliant que, pour une entreprise, aucune subvention ne peut remplacer un chiffre d’affaires.
Étrangeté de cette époque incroyable, on constate qu’à la différence des Français qui vivent des catastrophes cumulatives, pour l’élite d’Etat, la crise sanitaire et sa sœur siamoise la crise économique sont des aubaines inespérées. Il y a peu, les caisses publiques ayant été vidées par son impéritie, la bureaucrature atteignait sa limite ; le chef de l’Etat lui-même, pourtant issu de ses rangs, osait la mettre en question. Parvenue au zénith en 2017, elle se voyait menacée de perdre sa légitimité et ses pouvoirs. Brusquement, la tempête virale s’est levée, et la situation s’est inversée en sa faveur.
La pandémie permet aux régisseurs de l’Etat d’édicter pour la population de nouvelles normes de vie et de contingenter ses libertés fondamentales. Désormais, le bon peuple de France est soumis à leur volonté discrétionnaire, hors de tout contrôle démocratique réel ; en effet, une loi d’urgence leur donne, de facto, carte blanche. Une urgence dont, sans vergogne, ils prédisent qu’elle durera longtemps sans en tirer la conséquence qui voudrait que l’on consulte le corps électoral, face à une situation destinée à perdurer.
La crise sanitaire ouvre à nos hauts fonctionnaires le retour de la jouissance infinie du pouvoir absolu. Peu importe alors que les mesures soient incohérentes, leurs mensonges sont sans conséquences, leurs fautes de gestion sont négligeables. Ils n’en subissent jamais les conséquences, et tout cela ne fait que sacraliser leur importance de décideurs suprêmes.
L’économie permet aussi à l’Administration de reluire. Elle tient désormais les cordons d’une bourse pleine, d’un argent plus que magique, miraculeux. Elle reconquiert les salariés qui épargnent par prudence, grâce à elle et ses saintes mesures de chômage partiel. S'enrichir par le non-travail, le rêve français. Tant mieux, si les indépendants, les petites et moyennes entreprises sont à l’arrêt, cela permet de les tenir par des « aides ». Le régime des « guichets » bat son plein.
La méthode est éprouvée. Par la centralisation des flux financiers (captation des 30 milliards de la formation par la Caisse des Dépôts, suppression de la taxe d’habitation qui permet de tenir les collectivités locales à la gorge) le fantôme sans visage de Bercy, s’était conforté dans son statut de vrai détenteur du pouvoir en France. Distributeur de deniers aux entreprises, grand exonérateur de charges, il acquiert, dans la crise, un droit de vie ou de mort sur ce qui demeurait encore de privé dans l’économie.
La gestion combinée de la pandémie et de l’économie à laquelle on assiste est une vraie leçon de tyrannie. On dit que la politique est l’art de choisir entre les inconvénients ; le reconfinement selon Castex et les siens est celui de les cumuler, avec délice. Tels des naufrageurs, ils tirent profit des confinements successifs, et probablement sans fin.
On croirait, à tort, que cet exercice de balance, entre économie et santé, est vécu comme un casse-tête, il constitue un véritable orgasme pour des fonctionnaires qui s’autorisent à définir ce qui est, pour tous, essentiel ou non. Plus la situation est complexe et ubuesque, plus elle consacre le pouvoir de ces despotes mal éclairés, pilleurs d’épaves.
Jamais les hauts fonctionnaires n’ont accepté que l'on mesure leur importance à l’aune de leur efficacité, ce qui les sanctifie se résume en un mot : “imposer” dans tous les sens du terme. Créer et lever des impôts, et par le prélèvement à la source se servir directement dans les comptes bancaires, c’est cela, évidemment, imposer ; mais aussi, imposer, c’est contraindre le peuple à l’obéissance. L’obéissance pour l’obéissance, là est le sommet, et comme le disent les alpinistes, c’est encore plus beau quand c’est inutile.
Les médias, toujours à l’affût d’un moyen de flatter ces tyranneaux de notre temps, même au prix de contorsions des faits, ne manquent pas de vanter la discipline des Français qui se plient aux injonctions, tout en rejetant, paradoxalement, sur la population l’échec du déconfinement. Cette docilité inattendue, si peu conforme à l’esprit gaulois, a tout pour combler d’aise nos ronds-de-cuir dont la mentalité est aussi étroite que la prétention sans limite.
Enhardis par le premier confinement où la peur avait joué avec eux, ils décident maintenant du contenu de nos caddies. Ils fixent les heures de sortie et de retour au domicile pour optimiser nos déplacements, du moins le croient-ils. Les français ne sont plus des individus, ils deviennent des flux. C’est le retour des courbes à inverser, chères à l’ineffable Hollande.
Une telle philosophie de la jouissance effrénée dans l’abus du pouvoir de contraindre ne peut conduire qu’à l’échec, car elle est égoïste et sans modération. De la part de ceux qui ont la charge de conduire le peuple de France dans une époque difficile, elle est criminelle.
Au-delà de cette satisfaction d’orgueil de nos despotes dont il ne faut pas sous-estimer l’importance, car la recherche de l’estime de soi par l’exercice du pouvoir est un puissant moteur des actions humaines, se profile sinon une arrière-pensée politique, au moins un risque. "La meilleure façon de contrôler un peuple et de le contrôler complètement, c’est de lui retirer un petit peu de liberté à la fois, pour rogner ses droits par des milliers de réductions minuscules presque imperceptibles. De cette façon les gens ne verront pas qu’on leur retire des droits et des libertés jusqu’au point où ces changements ne pourront plus être inversés."
Ces avis viennent d’un expert en détournement de la démocratie, Adolph Hitler, dans Mein Kampf.
A bon entendeur !
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