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Les raisons de la colère

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 1 févr.
  • 5 min de lecture


La colère. Les médias en sont convenus, voilà la responsable du spectacle auquel on assiste à l’Assemblée Nationale qui ressemble désormais à la cour du roi Pétaud où, comme évoqué en 1594 pour la première fois dans la Satire ménipée, chacun est maître, mais nul ne commande. Certes, la Chambre basse n’a jamais été aussi basse et pareille à une pétaudière. Oui, les représentants du peuple y songent plus à travailler leurs réseaux sociaux qu’à élaborer des lois utiles, pourtant urgentes, et instituent en fonds de commerce cette émotion particulière qu’est la colère.


Mais qui est aujourd’hui en colère ? Et d’abord qu’est-ce que la colère.


J’enrage dit le coléreux de Molière, en un aveu d’impuissance. Les incontestables colériques sont clairement les dirigeants du pays. Le Gouvernement, bien sûr qui ne peut gouverner ; mais aussi les députés qui sont bien en peine de s’accorder pour autre choses que censurer. A son sommet, la France n’est pas au bord, mais en pleine crise de nerfs, cette agitation frénétique qui n’aboutit à rien, et, de ce fait se retourne contre elle-même.


Pour certains, la colère est une posture qui a pour but  évident d’enflammer celle du peuple. Tel est l’objet des outrances calibrées des LFI, mais aussi celui du dérapage Mme Binet de la CGT qui qualifie les patrons de « rats qui quittent le navire », et encore les délires anti-français du régime mafieux algérien qui voudrait provoquer la colère des Algériens vivants en France, soit disant maltraités, racisés et pourquoi pas malussés.

Cette stratégie rejoint une exaspération d’ensemble de la gauche, prise à contre-pied dans son magistère moral, par le coup d’arrêt que constitue le désaveu massif du wokisme aux Etats-Unis. Nos virtuoses de l’excommunication médiatique se réfugient dans l’insulte et l’injure, vraie signature de leur impuissance à argumenter.


L’exploitation de la colère est aussi le mode d’action de prédilection du Rassemblement National qui s’adresse aux négligés et aux sacrifiés de la croissance mondialisée, qui se sentent trahis par les élites. Néanmoins, le parti de Marine Le Pen, en costume-cravate, ne sur-joue pas la colère, espérant accéder à une respectabilité qui lui a toujours été refusée. Là aussi, on peut déceler une colère rentrée.


Face à cette convergence des colériques, le peuple français reste placide.


Non que tout aille très bien, Madame la Marquise ; bien au contraire, les motifs d’inquiétude et sujets de mécontentements ne manquent pas. On aurait bien plus vite énuméré ce qui va.


Mais nul ne croit que ce sont les agitations propalestiniennes qui résoudront le moindre des problèmes qui se posent aux Français. Personne ne pense sérieusement que l’on peut continuer de vivre à crédit, ce qui revient à faire les poches de nos enfants. Aucun ne voit dans les dirigeants, de quelque parti qu’ils soient,  la faculté magique de distribuer du pouvoir d’achat, ni la volonté sincère d’assurer la sécurité publique, de maitriser l’immigration, de réformer l’Etat pour restaurer les services publics, de santé, d’enseignement, de défense, et pour, enfin,  sauver le modèle social français.


Tout va mal, et aucune solution ne se profile. Les conditions de la colère populaire sont objectivement réunies. Néanmoins, le peuple n’est pas dans la rue, il ne se met pas en grève, il attend. Il attend le prochain rendez-vous, le seul dans lequel il croit encore, l’élection présidentielle. La légitimité de ce scrutin décisoire suppose cependant qu’il intervienne dans le respect des institutions, et certainement pas du fait d’une démission forcée qui serait un coup d’Etat, dévalorisant la fonction présidentielle.


Cette attente pollue les postures des personnalités qui sur le théâtre politique en oublient leurs devoirs immédiats de faire fonctionner l’Etat. Leur faute ne leur sera pas pardonnée, car l’Etat occupe un place telle dans l’économie et la vie quotidienne des Français qu’il ne peut rester en apnée sans dommages majeurs pour tout un chacun.


L’apesanteur politique a un coût économique, mais l’on peut penser que c’est le prix à payer pour que s’opère une véritable catharsis qui réalise le tri entre les fausses solutions et les bonnes.


Avec philosophie, les Français attendent que leur soit présenté un projet politique sérieux et motivant.


Aux États-Unis, Trump a surmonté les insatisfactions et les antagonismes que l’on prédisait comme devant conduire à une guerre civile. Il l’a fait en proposant un projet combinant la défense de l’Amérique traditionnelle,  par réaction aux dérives sociétales du Wokisme,  avec un  ultra-modernisme libéral. L’alliance du Tea-Party et de l’intelligence artificielle, des Maga et des Gafam, le tout sur un fond de débureaucratisation, de libéralisme économique à l’intérieur et de protectionnisme à l’extérieur, voilà la recette gagnante de Trump.


Ce cocktail d’alcools forts a séduit les Américains, au-delà des catégories dans lesquelles les sociologues voulaient les enfermer, de sorte que l’un des enseignements de la victoire de Trump est qu’il faut avoir un projet qui parle au peuple entier et non à des segments d’opinion.


Ces piliers du trumpisme ont réveillé la société américaine que, retour des USA, Bernard Arnault a déclaré enthousiaste. On choquera les beaux esprits en suggérant l’opportunité de s’inspirer de Trump, qui est désormais notre adversaire, et représente le mal absolu dans la majorité des médias qui restent figés dans leurs intransigeances. Mais, les imprécations sont la réaction des faibles, et l’on serait mieux avisé de prendre chez le Président américain ce qui fonctionne, même si c’est un cow-boy antipathique, qu’il n’est pas surprenant de voir administrer des remèdes de cheval, et de transformer les relations internationales en rodéo.


Le constat de l’impulsion sans précédent qui se manifeste dans un pays, il y a peu encore décrit comme à la dérive doit servir de leçon.


Pour convaincre les Français de sortir de leur scepticisme et de leur morosité, il faudrait les interpeller collectivement, en ce qu’ils font nation et non sécession. En fait, il s’agirait de passer au-dessus de l’Etat défaillant pour proposer un futur possible qui préserve l’essentiel de l’identité de ce qu’est la France et veut le rester, qui investisse dans les technologies d’avenir et enfin libère l’économie productive du joug d’une bureaucratie délétère.


Ces questions ne trouveront de réponse que lors de la prochaine élection présidentielle, pour laquelle chacun fourbit ses armes. Mais le plus probable est qu’avant elle, il y aura un autre rendez-vous démocratique par une nouvelle dissolution.


Cette étape est inévitable, en l’état, les élus, tels des Bizantins assiègés discutant du sexe des anges, sont occupés à des joutes sémantiques pour cinquante nuances de déni de réalité. Cachez cette submersion que je ne saurais voir, vagissent les Tartufes qui ne veulent même pas entendre parler d’un « sentiment », qu’ils tolèraient s’agissant de l’insécurité. Le bon sens commande de renvoyer, dès que possible, aux urnes de tels représentants.


On dit, ici et là, que cela ne changerait rien à la composition de l’Assemblée Nationale. On peut en douter. En effet, la configuration politique est aujourd’hui bien différente de celle de l’an dernier. Entre temps, les LFI sont devenus infréquentables, ayant tout misé sur leur stratégie de rupture islamo-gauchiste. Ce fait, majeur, fissure le Nouveau Front Populaire, et fait douter d’une reconduction de cette formation lors d’un prochain scrutin, surtout si l’élection a lieu avec une part de proportionnelle. Ce qui est certain, c’est que les centristes ne rééditeront pas les désistements croisés pour faire barrage au RN, en tout cas jamais avec les LFI. Quant aux LR, ils ont, grâce à Retailleau, rendu crédible leur divorce de l’idéologie bien pensante de gauche qui les rendait inaudibles, et ils constituent une alternative possible au RN, immature au plan économique.


Une dissolution en septembre prochain ne dégagerait peut-être pas une majorité absolue, mais il suffira d’un léger déplacement de la tectonique des blocs pour rendre un gouvernement possible par une majorité relative capable de résister à la machine infernale des censures automatiques. 


De quoi patienter paisiblement jusqu’à 2027 ? Cela est une autre histoire, dirait Kipling.


 
 
 

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