M, l’imprécateur est à la rue
- André Touboul
- 28 janv. 2023
- 3 min de lecture

Quand dressé sur une estrade, Jean-Luc Mélenchon joue les imprécateurs en lançant un « Soyez maudit » à l’adresse d’Emmanuel Macron, on jurerait qu’il se prend pour Jacques de Molay , Grand Maître de l’Ordre des Templier. Celui-ci sur son bûcher aurait, selon la légende lancé une malédiction contre le Roi de France Philippe Le Bel, le Pape Clément et Guillaume de Nogaret, et contre leur descendance jusqu’à la treizième génération, inaugurant ainsi la succession des Rois maudits.
L’Insoumis en chef est coutumier des références historiques souvent bancales, mais appeler le malheur sur le Président de la France, lui souhaiter qu’il soit rejeté de Dieu, car tel est le sens du terme « maudit », fait douter de la santé mentale du leader de la NUPES. Et aussi de celle de ceux qui, comme Olivier Faure, lui sucent la roue, comme l’on dit sur le Tour de France. Cet invocation du côté obscur de la foi a quelque chose de pathétique.
En vérité, ce n’est pas par hasard que Mélenchon choisit cette référence. L’énergumène a trop de culture pour ne pas mesurer la raisonnance de ses paroles.
Cette homme se sent léché par les flammes de l’Enfer politique. Il ne s’agit pas uniquement de la contestation de son leadership au sein des Insoumis, mais plus gravement de l’immense douleur de constater que si le peuple est dans la rue, ce peuple dont il appelle de ses voeux le déferlement, ce n’est pas de son fait. Ce sont les syndicats qui ont appelé à manifester. Et l’on a compris qu’ils lui ont signifié par la fixation de leur jour différent du sien, prévu pour rameuter les jeunes, qu’il devait rester à l’écart du mouvement qui était le leur.
Cet homme est à la torture. Le peuple est dans la rue et nul ne fait appel à lui. Au contraire, on l’évite. Dans le langage à la mode d’aujourd’hui, on dira que Jean-Luc Mélenchon est à la rue, c’est à dire dépassé par les événements.
Les syndicalistes savent bien que s’afficher avec lui serait fatal à l’unanimisme dont ils rêvent. Leur stratégie étant de capitaliser l’hostilité majoritaire des Français à une réforme qui les oblige à travailler plus, ils veillent jalousement sur ce trésor. Nos larrons, qui s’entendent si bien en foire, savent bien que le moindre faux pas peut retourner l’opinion.
D’ores et déjà, ils tentent de cautériser les débordements des électriciens de la CGT, qui, imprudemment, menacent de pratiquer des coupures sélectives pour intimider les parlementaires qui se diraient favorables à la réforme. Le sabotage à la SNCF est aussi fermement dénié que les frappes russes sur les hôpitaux ukrainiens, avec une vraisemblance similaire.
Ils n’oublient pas que les Gilets jaunes ont débuté leur mouvement dans la sympathie générale. Ils l’ont poursuivi avec une comprehension assez large, mais ont finit dans la réprobation unanime quand leurs « actes hebdomadaires » se soldaient par des saccages et autres violences.
La vraie malédiction dans cette affaire est qu’invariablement la rue finit dans la chienlit et celle-ci conduit à un retournement de l’opinion majoritaire qui n’admet pas le désordre.
Or, parmi ceux qui défilent, il en est qui se persuadent que la République est agonisante, et qu’il suffit d’une pichenette pour en finir avec la démocratie. Ceux-là veulent saisir chaque occasion dans l’espoir que le peuple gronde, que la colère monte et que l’émeute se lève. Ils viennent invariablement gâcher la fête populaire.
Il est de bon ton de répéter que la démocratie est aussi de manifester. C’est un droit reconnu, encore moins contesté que le droit de grève. Mais, où est la légitimité démocratique de préférer les cris des braillards de pavé à l’expression réfléchie d’un bulletin de vote ?
On pourrait arguer que ce mode d’expression n’est pas moins fiable que les sondages. Et qu’il est sain pour les gouvernants d’en tenir le plus grands compte. Mais, la peur de la rue est un gouvernement de pleutres. Le courage politique n’est pas, comme le dit un humoriste, d’assumer sa lâcheté, c’est d’accepter d’être impopulaire, quand l’intérêt général l’exige.
Le droit de manifestation publique est comme le sifflet de la cocotte minute, il avertit que l’eau est en ébullition, mais ne change rien à la température.
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