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Macron dans le piège mémoriel

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 28 janv. 2021
  • 5 min de lecture



Recoudre les plaies entre les Algériens et la France est une honorable ambition. Mais l’on peut douter que revenir sur la colonisation de l’Algérie soit le meilleur moyen d’y parvenir. La reconnaissance de ses fautes peut être une preuve de force, ou de faiblesse. Force, quand le mea culpa est de l’ordre de la confession publique, inhérente à la culture protestante, qui purifie la conscience. Faiblesse, s’il s’agit d’une repentance, significative d’une mortification publique dont les mentalités formées au catholicisme sont coutumières. Les uns assument les faits, les autres appellent sur eux le châtiment.


Et encore faudrait-il savoir à qui l’on s’adresse. A l’Algérie indépendante, qui campe sur sa position de victime éternelle et exige des excuses, ou aux Français d’origine algérienne, qui parfois, mais pas tous, sont assis entre deux continents.

Le régime de la République algérienne démocratique et populaire n’a rien d’une république, il n’est pas démocratique et encore moins populaire. Le pays est corseté dans une dictature militaire non représentative du peuple algérien.


On ne peut attendre d’un tel État aucune avancée. Il n‘en souhaite d’ailleurs pas, car son pouvoir n’est assis que sur l’exploitation d’une colonisation et d’une décolonisation fantasmées. Cela est rendu possible par le fait que l’identité algérienne n’existait pas sous la colonisation turque qui se contentait de tenir les ports et se désintéressait du reste. Cette identité a été accouchée par la France. Dans la douleur, et souvent la force brutale.


Jamais la population algérienne n’a ressenti l’appétit de devenir française, et la France n’a jamais eu de réel désir de faire sienne cette population. On l’a vu lors des Décrets Crémieux 138 et 137 du 24 octobre 1870 ; le premier faisait automatiquement des Juifs indigènes algériens des citoyens français à part entière, le second offrait une nationalité sur option aux musulmans et étrangers résidant sur le territoire algérien. Cette opportunité n’a pas été saisie par les musulmans d’Algérie, et la France n’a rien fait pour qu’elle le soit.

Au plan national, on pourrait penser que la démarche mémorielle est nécessaire, à constater les effets, dévastateurs dans la société française, d’un islam radical, particulièrement sensibles à l’école, mais présents dans l’ensemble de la vie sociale.


Il serait plus efficient de porter le débat sur les causes profondes de cette poussée de fièvre qu’il faut bien appeler séparatiste.


On ne pourra jamais rien faire contre la discrimination, tant que les intéressés font tout pour se disjoindre de la société française dans ses us et coutumes. Une attitude hostile qui n’est, dans le fond, pas la conséquence d’un regain religieux, mais en est la cause.


La question du voile est significative d’une revendication dans le domaine public d’un statut de la femme par référence à une religion qui n’a jamais prescrit le port de cet élément vestimentaire, pas plus que le Christ n’a prêché le célibat des prêtres. Il faut être naïf pour ne pas voir que la résurgence du voile dans de nombreux pays musulmans qui l’avaient oublié, est lié directement à un rejet de l’Occident et à sa prétention de conférer à la femme un statut égalitaire.


Emmanuel Macron qui a la qualité d’avoir une pensée disruptive, n’est pas épargné par la tendance des politiques à dire parfois ce que l’auditoire attend d’eux. On l’a vu quand il a parlé de crime contre l’humanité à propos de la colonisation, et des contrôles au faciès de la police.

Il ne connaît rien à l’identité algérienne, et avec prudence il a demandé à un historien respecté de lui faire un rapport sur la colonisation. On ne peut que s’en féliciter, car ce qu’il apprendra lui fera sans doute nuancer son jugement hâtif exprimé quand il était candidat à l’élection présidentielle.

La bonne foi et le travail consciencieux de Benjamin Stora ne sont pas en cause, mais ce n’est pas en « en causant » que l’on règle les problèmes affectifs. Au mieux, sur le divan ou dans le cabinet du psy, on apprend à se supporter, vivre ensemble, mais pas heureux.

Quand on parle de patrie, c’est d’amour qu’il s’agit, or l’amour n’existe pas, il n’y a que des preuves d’amour. Mais certains musulmans français se sont enfermés dans une posture selon laquelle ils n’avaient rien à prouver, et qu’il était même insultant de leur demander de manifester contre les terroristes islamistes. Le « not in my name » n’a pas fait florès.


Racisme envers les maghrébins, dit-on ? Le racisme est très largement un fantasme d’une gauche en déroute qui rêve de trouver là un nouveau champ de bataille. Ce sera en pure perte. En effet, le racisme consiste en une exclusion des personnes pour ce qu’elles sont, alors que le problème est en l’espèce dans ce qu’elles font.


L’air du temps est aux exigences de réparations, mais là le terrain est glissant. La mode est aux demandes financières, mais dans le cas de l’Algérie, la question doit tenir compte de ce que l’Etat algérien indépendant n’a jamais indemnisé les ressortissants français qui ont été chassés d’Algérie, souvent leur terre natale, et parfois ancestrale sans indemnité.


Malgré les blessures et le ressentiment de la guerre, de nombreux Algériens sont venus vivre en France, et y travailler. Le mouvement avait commencé avant l’Indépendance et il s’est poursuivi après. L’appétit de l’industrie française pour cette main d’œuvre en étant la cause, mais aussi la différence de niveau de vie, et de régime social avec l’Algérie indépendante.


Aujourd’hui, on s’interroge sur la compatibilité entre l’ensemble des français et les descendants de cette population, à laquelle se sont ajoutés plus récemment des immigrés marocains et tunisiens, dont l’histoire commune avec la France est très différente, et qui possèdent une identité nationale ancienne.


En effet, beaucoup de rebutés du patriotisme français, en ont trouvé un autre dans la religion. Alors que la France devenait de plus en plus laïque, et moins catholique dans ses pratiques, les musulmans français revendiquaient de plus en plus leur spécificité religieuse. Que l’Etat puisse organiser la pratique de la religion musulmane en France est une vue de l’esprit, car c’est un substitut à la citoyenneté qui est recherché dans la pratique religieuse.


On se réfère à tort à la situation de la religion juive qui fut organisée par Napoléon 1er, car il s’agissait alors d’une question administrative et non politique, le Juifs ne se posant aucune question quant à leur appartenance à la nation française.


Le retour mémoriel sur la guerre d’Algérie ne se fera pas sans réveiller de profondes douleurs. Celles des Pieds noirs, mais aussi le sort tragique des harkis qui est la faute commune des Algériens et des Français, un crime ineffaçable autant qu’il est tu. En parler gêne autant les Français qui ont abandonné ces compatriotes de cœur et parfois livrés, et l’Algérie qui supporte pas qu’ils aient choisi la France.


Réconcilier les Français d’origine algérienne avec la France, suppose un patriotisme qui n’existe pas dans l’ensemble de l’opinion française, parfois nationaliste mais jamais unie derrière son drapeau. Emmanuel Macron, qui ne doute de rien, c’est sa qualité première, ne pourra sortir de ce piège par des onguents rhétoriques. Il faudrait donner aux Français de tous bords des raisons de partager une fierté cocardière. La crise sanitaire actuelle ne lui en fournit guère d’occasion.



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