Macron ? Ils auront sa peau !
- André Touboul
- 26 mars 2023
- 5 min de lecture

On se gausse des Russes qui approuvent la guerre de Poutine, intoxiqués qu’ils sont par une presse contrôlée par le Kremlin. L’état de l’opinion française relative à la question de l’âge de départ à la retraite est malheureusement très semblable. Sachant que les Français sont ceux qui en Europe travaillent le moins longtemps, et qu’il s’agit d’un simple rattrapage du peloton dans une direction imposée par un mouvement démographique, on se demande pourquoi 75% des Français sont contre le report d’âge que comporte la réforme Macron.
Telle est la seule interrogation qui tienne. Pour y répondre, il faut constater que l’opposition à la réforme a fait l’objet un battage médiatique unanime. Cette mesure paramétrique, somme toute minimale, a été vilipendée. Elle était mal ficelée, mal présentée, bourrée de défauts, non nécessaire, pas urgente…etc… Tout ceci, et bien d’autres critiques, a plu sur les ondes.
On a oublié de dire qu rien n’est irréversible, et de rappeler qu’il suffisait de voter autrement à la prochaine échéance pour revenir sur un texte insatisfaisant.
L’opinion a été confortée dans son refus de l’effort par un matraquage médiatique, lui-même conditionné par des sondages plus que discutables. En France, ce sont quelques sondeurs qui décident de la politique, par le truchement des médias qui font l’opinion en croyant la suivre.
Quant aux sondeurs, leur intérêt se trouve dans le sensationnel qui leur assure un fond de commerce florissant. On ne fait pas de sondage sur les trains qui arrivent à l’heure.
En vérité, les sondeurs sont très dépendants pour l’ensemble de leur chiffre d’affaires d’une caste de dirigeants sécrétée par la méritocratie énarchique, élite que justement Emmanuel Macron, qui en est issu, a voulu écarter. Ses membres ne lui ont pas pardonné la suppression de l’ENA, leur Alma mater, ni celle des Grands corps qui garantissaient leur carrière, ainsi que leurs pantouflages, tout autant que leur irresponsabilité.
Macron ? Ils auront sa peau. Pas avec un fusil à lunette, à l’ancienne, mais à leur manière qui est celle par laquelle ils ont détruit la classe politique supposée toute pourrie. Cette technique consiste à lâcher les chiens des médias, comme disait François Mitterrand, qui en meute poursuivent sans cesse la bête blessée jusqu’à l’hallali.
Malgré leur puissance aussi massive que peu visible, il n’est pas certain qu’ils y parviennent. En effet, leur faiblesse est d’être inorganisés. Dépourvus de chef, ils se comportent comme un banc de sardines. Leurs calculs politiques ne sont pas souvent pertinents, et ils ne savent pas exploiter leurs victoires toujours négatives. Ce sont les mêmes 5000 qui ont fait porter la responsabilité du déclin français à la gent des représentants élus, qui haïssent Macron considéré comme un traitre à leurs intérêts.
L’exploitation de l’événement n’est cependant pas toujours payante. Caroline Roux l’a vérifié le jeudi 23 mars quand, après les manifestations, elle a cru habile de se précipiter à 20 h pour une émission spécialel. Elle y opposait Sandrine Rousseau, François Ruffin, et Jordan Bardella, assistés de la terrible Elise Lucet, à Aurore Bergé et Clément Beaune. L’audience de France 2 à chuté de 47% ! Il faut dire que l’on prétendait débattre de la « fin de la Cinquième République ». Apparemment, les Français ne vont pas jusque là.
Emmanuel Macron est apparu sur la scène politique en 2017 porteur d’une promesse de mettre fin au système dans lequel la Gauche faisait une politique de droite et la Droite une politique de gauche. Une pratique décourageante pour le corps électoral. On se souvient des déçus du socialisme et des trahis par la Droite. Il est donc surprenant qu’il ait confié la confection et la présentation de la réforme des retraites 2023 à une Première ministre et à un ministre du travail notoirement venus de la Gauche, alors qu’il s’agissait d’une mesure pragmatique, par nature de droite. La martingale ne pouvait qu’échouer. Ce retour aux pratiques du monde d’hier interpelle.
Certes, on pourrait invoquer la théorie de la tour d’ivoire, c’est-à-dire l’isolement du chef de l’État, coupé du peuple et de ses attentes, seulement entouré de courtisants. On pourrait aussi parler de l’hubris du pouvoir qui par lui-même interdit de percevoir les limites de sa propre volonté.
En réalité, le cas d’Emmanuel Macron est différent. Il se comprend mieux quand on observe une mouche qui, attirée dans un bocal par un liquide sucré, n’en trouve plus la sortie et se heurte aux parois sans comprendre ce qui lui arrive. De fait, le Président, qui voulait remettre la France en marche, s’est heurté à des résistances invisibles qu’il n’imaginait pas. Toutes ses velléités de réforme se sont brisées sur l’immobilisme foncier d’une société habituée à voir l’Etat tout prendre en charge, en lui épargnant tout effort. Cette nation n’a pas vu que ce confort était obtenu au prix de la constitution d’une dette publique gigantesque.
Emmanuel Macron a dû revenir à cette recette toxique. Ainsi pour répondre à la jacquerie des Gilets jaunes, il a aligné les milliards. Face au covid, il a ouvert les vannes. Il en a conclu que les méthodes d’avant étaient les seules valables.
Parallèlement, le contenu des ses discours s’est édulcoré, jusqu’à devenir vide de sens. L’initiative de l’animation du débat public n’est plus à sa main. Ce rôle est désormais préempté par l’extrême gauche, et Mélenchon est celui qui donne le la du concert médiatique.
Le choix ouvert à Emmanuel Macron est simple. Soit, il disparaît dans une attitude conformiste, devenant un Président potiche, pour encore quatre ans, mais à condition qu’une nouvelle majorité se dégage. Soit, il redevient l’esprit de rupture de ses débuts, le plus souvent difficile à comprendre, mais toujours créatif.
Il a prouvé, lors du grand débat qui a mis fin à la crise des gilets jaunes, qu’il était capable de surprendre.
Ce chemin est rendu difficile par sa solitude. Mais celle-ci, il l’a voulue et provoquée en mettant en accusation le petit monde toxique des énarques qui ne lui pardonneront jamais de les avoir démasqués et désignés comme à l’origine de tout le mal français. Emmanuel Macron n’aura peut-être pas fait grand chose pour la France, mais cela, il l’aura fait, car le pays entier est désormais acquis à l’idée qu’il a été mal géré par des technocrates irresponsables, et qu’il faudrait revenir d’urgence à des politiques élus qui rendent des comptes à l’électeur.
On dit Emmanuel Macron aux abois, Henri III avait ses Mignons qui assuraient sa garde rapprochée. Ce ne sont pas les Attal, Beaune et Dussop qui peuvent protéger le Président, et celui-ci ne peut pas non plus compter sur le sanglier Dupond-Moretti dont les bras d’honneur sont plutôt déshonorants. Quant aux autres les Le Maire, Philippe, Darmanin et Bayrou, ils sont trop occupés à préparer leur avenir présidentiel pour se soucier de celui de la France. Macron est seul.
S’il voulait faire un cadeau au Président le Conseil Constitutionnel annulerait un texte honni, mais Il est douteux que Laurent Fabius soit magnanime à ce point, et ancien Premier ministre, il sait combien la réforme est nécessaire à la France. Gageons qu’il ne sauvera pas Macron.
« Ils », tous ceux évoqués ci-dessus, auront sa peau. Au profit de qui ? Déjà le couple infernal Le Pen/ Mélenchon, salive en vue de l’hallali, mais après la mise à mort, ils s’entredéchireront.
A tous les incapables d’attendre la fin du quinquennat, l’on a envie de rappeler leurs propres insuffisances, leurs échecs et leurs mesquinerie. Si un jour, à Dieu ne plaise, les Français devaient leur confier le destin de la France, l’avenir serait encore plus sombre qu’aujourd’hui. Oui, ils auront sa peau, mais la nôtre avec.
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