Macron pousse ses pions, mais pas les bons
- André Touboul
- 17 oct. 2021
- 3 min de lecture

Macron pousse ses pions. La gauche est en état de mort cérébrale, et la droite ne sait plus, ou pas encore, où elle habite. Certes les socialistes en ont vu d'autres, et les LR sont légitimes à organiser un Congrès même s'il s'agit de départager les candidats et non les motions, comme faisait le PS du temps de sa gloire. Si son duel annoncé avec Marine Le Pen n'avait pas été perturbé par l'irruption d'un certain Monsieur Z (pas Zorro, Zemmour) il aurait pu attendre benoitement le mois de mars prochain pour se soucier de sa réélection. Une formalité, en quelque sorte.
Mais Zemour est arrivé, et les cartes sont rebattues. Emmanuel Macron a dû entrer en campagne plus tôt que prévu. Distribuer des aumônes, passer de la pommade, bref, de la politique à l'ancienne. Sans doute est-ce trop tôt, car les cadeaux sont vite oubliés, et il sera difficile d'en faire d'autres. Macron pousse ses pions dans le désordre, comme un débutant. Trop vite, tous ensemble. Pendant ce temps Monsieur Z , tel un vieux briscard, parle du destin de la France.
La génération Macron n'a pas connu la guerre d'Algérie. Lui-même en parle comme d'autres évoquent le second Empire, voire la Guerre de cent ans. Ceci l'a conduit à parler de la colonisation, qu'il n'a pas plus connue, comme d'un crime contre l'humanité. Son discours sur l'Histoire alors que les acteurs sont encore vivants et prennent ses jugements hâtifs comme des coups de poignards, est une marque d'immaturité politique.
Avec prudence, le Président s'était assuré d'un avis d'expert en commandant à Benjamin Stora un rapport. Hélas, qui n'entend qu'une cloche, n'entend qu'un son. Muni d'une connaissance partielle, sinon partiale, il ne pouvait que trébucher, et donner le sentiment qu’il oubliait de parler de sa vision de la France.
Pour se faire élire en 2017, à la faveur d’un coup de Jarnac judiciaire qui coupa les jarrets de son adversaire le plus dangereux, Emmanuel Macron avait proposé aux Français le « en même temps ». Il promettait un monde nouveau qui, faisant foin de toute idéologie, retiendrait le meilleur de la droite et de la gauche. L’électeur, toujours crédule quand on lui promet la lune, a voulu y croire. Pas un instant, il n’a envisagé qu’il pourrait aussi avoir le pire des deux politiques.
De fait, Macron a été poussé par une élite qui misait sur lui pour faire perdurer un système trop avantageux pour elle pour qu’elle accepte d’y renoncer. Il y a encore moins de cinq ans, parler de l'élite suffisait à se faire classer dans la catégorie populiste. Désormais, même clairement de gauche, des journalistes usent du terme de « Mafia d’Etat », tel Vincent Jauvert, grand reporter à l’Obs.
La bévue algérienne du président Macron, n’est pas la seule. Moins clairvoyant qu’il ne le croit, et sans doute trop sur de lui, Emmanuel Macron a pensé qu’il pouvait « trahir » ceux qui l’avaient fait roi. Ainsi a-t-il décidé de supprimer l’ENA leur mère nourricière, et les Grands corps, leurs forteresses. C’est l’ivresse du pouvoir qui l’a conduit à ces mesures indispensables pour le pays, mais pour lui suicidaires.
Macron se croit stratège, mais, sans garde prétorienne, il est nu.
Il aurait cependant dû voir que toutes ses velléités de réforme qui déplaisaient à l’élite d’Etat, furent avortées, minimisées, reportées, les seules qui furent menées à bien ont été celles qui assuraient à l'Etat une plus grande centralisation financière et un plus grand contrôle des collectivités locales.
Pour se représenter devant les Français, Emmanuel Macron doit leur proposer, moins un programme qu'une vision. Pour l'heure, il est le Président Tik Tok, il doit pour prendre de l’envergure parler aux Français de la France.
Les Français ne voteront pas deux fois pour le jeune Macron dont le monde nouveau a fait long feu et dont le saut à pied joint dans la mondialisation n’est plus d’actualité. Ils attendent de lui une maturité et une hauteur de vue qui, pour l’heure, lui font défaut. Le pays a besoin d'un projet d'avenir ambitieux, clair et courageux. Il ne suffira pas de lui répéter que ses lendemains passent par l’Europe, cela aurait l'allure d'un renoncement. Que cela plaise ou non, le surgissement de Zemmour, éphémère ou pas, oblige le Président à se hausser au-dessus de la gestion quotidienne pour commencer à dire comment l’on pourrait, avec lui, renouer avec la fierté d’être Français. Vaste programme, quand on ne parle que de déclin et de déclassement, de repentance et de déconstruction. Plus que d’argent magique, la France a besoin de se retrouver, au moins dans le discours de ses dirigeants.
Emmanuel Macron aurait tort de négliger cet appel qui monte des profondeurs du "cher et vieux pays" dont parlait avec émotion le Général de Gaulle, car, dans l’élection présidentielle, à la différence des scrutins locaux, il n’y a pas de prime au sortant, bien au contraire, c’est toujours le changement qui, jusqu’ici, l’a emporté.
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