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Macron sera-t-il le dernier à prendre l’autobus pour la Bastille ?

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 17 janv. 2021
  • 4 min de lecture


On croit rêver. « La Vème République est devenue une monarchie technocratique avec tout ce qu’elle a de complexe, avec tout ce qu’elle a d’insuffisamment ouverte à d’autres profils, à d’autres talents… », Ce n’est pas là une citation du livre « La trahison des invisibles », mais une déclaration de Bruno Lemaire le 11 janvier 2021 à France Inter, la radio officielle de l’élite d’Etat.


Le Ministre de Bercy n’est pas devenu fou, bien au contraire, il s’appuie sur sa propre déontologie, puisqu’énarque autant que normalien, il a démissionné de la fonction publique pour faire de la politique. Une attitude exemplaire dans notre monde de brutes. Il n’en attend pas de béatification, mais une qualification dans de futurs combats présidentiels pour après demain, ou demain, le cas échéant.

Il faut dire que pour la noblesse d’Etat, le vent tourne à l’aigre. L’éjection par la culotte du tatami des poids lourds du régime d’un Olivier Duhamel, pourtant jusqu’ici hyperprotégé par sa qualité de Président du Siècle et de patron de Sciences Po, est plus qu’un fait divers. Après lui, c’est Marc Guillaume, l’indéboulonnable secrétaire Général du Gouvernement, pourtant déboulonné par Jean Castex, qui démissionne, de ses fonctions où il secondait le père indigne. C’est aussi Elisabeth Gigou, autre énarque (promotion Simone Weil) qui renonce à présider une commission sur l’inceste et les violences sexuelles sur mineurs. Évidement ni l’un ni l’autre ne sont soupçonnables de mauvaises mœurs, mais la proximité du chat donne des puces. La Mitterrandie en prend pour son grade. .

Il y a eu DSK, dont il est inutile de rappeler les exploits, Michel Sapin un brin taquin qui faisait claquer les élastiques des strings de petites journalistes, Pierre Joxe accusé de dessous de tables pénétrants par une demoiselle, et de plus obscurs conseillers de Madame Hidalgo. On parle de la gauche caviar, mais c’est une gauche qui se voulait libertine et n’était que queutarde qui apparaît au grand jour, dans toute sa misère morale.

Le plus significatif des épisodes les plus récents de cette navrante comédie est que l’appartenance à la haute noblesse d’Etat ne protège plus. Il faut en rechercher la cause dans les mouvements de libération de la parole qui touche tous les aspects de la vie publique et privée des personnes publiques, mais pas seulement.


De manière plus profonde derrière cette exhibition de linge sale, il y a une perte de prestige de cette élite d’Etat qui, en 2017, a pris le pouvoir « en direct », après la disqualification des partis politiques et des corps intermédiaires. L’incompétence mise à nu de ces réputés hyper-compétents dans la crise sanitaire a fait vaciller leur piédestal. Et, fait plus grave, la zizanie s’est instaurée entre ces altesses. D’un côté, c’est la chasse au Macron, de l’autre ce sont les caciques mitterrandiens qui trinquent. S’agissant d’un monde très « entre-nous », il est difficile de compter les points. Dans cette cacophonie, chacun joue sa partition. L’enjeu qui apparaît le plus clair est que le thème central de la prochaine présidentielle sera : « pour ou contre la technocratie d’Etat ». Pour l’heure, le public ne perçoit pas qui sont les bénéficiaires ou les organisateurs de ce mouvement de dégringolade de la noblesse du diplôme, mais le fait est que la chute est dure.


Les chaînes télé et stations radios comme la plupart des organes de Presse y vont de leur couplet anti-administration. Ce qui était une petite musique en sourdine des Français râleurs devient un leitmotiv assourdissant.


Même la gauche, pourtant liée culturellement à ce milieu par sa clientèle de fonctionnaires, s’y met. En préparation d’artillerie pour le retour en politique de Montebourg, la Fondation Jean Jaurès, annexe du Parti Socialiste, publie cinq mois après le service de presse de « La trahison des invisibles », « Les inamovibles de la République : vous ne les verrez jamais, mais ils gouvernent », pour ne pas dire qu’ils sont « invisibles ». Le contenu est à l'avenant. Plagiat ? Non, il faut accueillir à bras ouverts tous ceux qui ont été frappés par la lumière !


Empêtré dans la bataille contre la pandémie, Emmanuel Macron oublie qu’il lui faut choisir d’urgence entre l’élite d’Etat et le peuple français. Il ne peut se contenter de trépigner et taper du pied en piquant des colères contre l’absurdité administrative, et les nuls de la logistique. Ou encore les humilier en faisant appel à des consultants privés. Il doit sans tarder se positionner comme candidat de la rupture d’avec ces ennemis du peuple que l’opinion générale désigne désormais comme des incapables.


Le Président serait imprudent de se fier aux sondages qui s’améliorent depuis le congédiement d’Edouard Philippe. La platitude du Premier Ministre et l‘insignifiance du Ministre de la santé, font de lui le dernier recours sensé dans la lutte contre le virus. Et paradoxalement leur médiocrité et leurs erreurs le servent. Mais tout, même cette interminable pandémie, a une fin. Et au regard de l’échéance de 2022, il est presque déjà trop tard. Il apparaît tout de même comme le représentant d’un monde d’Ancien Régime. Ses velléité d’en finir avec l’énarchie et le système des Grands Corps n’ont été suivies d’aucun effet. Il n’a jusqu’ici fait aucune réforme qui le fasse apparaître comme un révolutionnaire apte à prendre une Bastille dont la démolition est déjà à l’œuvre. Elle se fera, et si c’est sans lui, ce sera contre lui. Car en la matière le "en même temps " n'est pas une option.



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