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Macron, tel Zampano

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 12 févr. 2021
  • 5 min de lecture



Par un coup de théâtre, digne du Cid Campeador, le Président a mis à contre pied la nomenklatura de la santé. Il a pris son risque, et le nôtre. En conclure qu'il a brisé les chaînes administratives qui l'entravaient dans son action réformatrice serait exagéré. En effet, dans ce choix courageux, il était loin d'être seul. Il pouvait compter sur une opinion publique, lassée par des contraintes toujours renouvelées et sans perspective, mais surtout il agissait avec la bénédiction de Bercy. La décision de repousser le troisième confinement, en apparence solitaire est, de fait, une soumission à la volonté de la haute administration. Car contre ou sans l'assentiment du Corps financier de l'Etat, rien n'est possible.

Sur le climat délayé dans une loi fourre tout et rien, sans cohérence, comme sur l’islamisme politique transformé en un pataquès religieux, ou la suppression avortée de l’ENA et la réforme fantôme de l’Etat, Macron a gonflé les muscles. Tel Zampano, le lutteur de foire de La Strada, il a fait mine de soulever d’énormes haltères. Mais là, comme toujours, ce furent des prodiges en trompe l’œil. A l’arrivée, les changements ont été microscopiques, voire nuls. On invoquera le principe de réalité, il s’agit en vérité de celui d’impuissance d’une volonté qui sans soutien qui devient velléité.


La seule réforme utile menée à bien par Emmanuel Macron et qui a porté ses fruits est celle du travail, sous Hollande (!). Tout ce qui, par ailleurs, a abouti n’a été que centralisation et reprise en main par l’Etat. Ainsi on a assisté à la captation du magot de la formation professionnelle par la Caisse des dépôts, au holdup des finances des collectivités locales par la suppression des taxes d’habitation, et aux prélèvements à la source... La réforme avortée des retraites était aussi une centralisation majeure.

Pendant la centralisation qui atteint un paroxysme, le président Macron s’essaye à la politique à l’ancienne. Croyant satisfaire un peu chacun, il déçoit tout le monde. En effet, s’il a libéré la parole, il n’a rien fait de concret pour libérer les Français du carcan des normes qui asphyxient le pays. Ainsi le système social tant vanté s’est révélé déficient en matière de santé, par gabegie administrative, et l’on a chaque jour déploré la fuite des cerveaux français. Le mot le plus employé pendant la crise sanitaire aura été celui de pénurie.


Qu’on le veuille ou non, c’est l’échec d’un système qui a conduit à séparer une France de privilégiés garantis de revenus à vie, d’une France des précaires. Cette séparation a été aggravée par la gestion différenciée de la pandémie sacrifiant les plus fragiles. Tel est le ferment d’une prochaine révolte, sinon d'une révolution, et en tout cas d'un chamboule tout.


Certes, la droite patine, mais Marine Le Pen aiguise ses griffes, elle chasse sur les terres droitières laissées en friche par défaut de leadership. Le club des hauts fonctionnaires qui la conseillent, les Horaces, a beaucoup travaillé depuis 2017.Ils étaient alors en contradiction avec la ligne du Parti frontiste, ce qui explique les hésitations fatales de leur candidate lors du débat fameux du second tour.


Il n’y a plus, de nos jours, de lutte des classes, mais sur le champ politique on assiste à une lutte des clubs de l’élite. Ainsi, les Horaces ont pris un avantage majeur sur le Siècle bousculé par les retombées de l’affaire Duhamel, à telle enseigne que ce cénacle bien pensant songe à recruter dans les cadres de La France Insoumise, ou même du Rassemblement National. Les Horaces ont aussi un coup d’avance sur les Gracques qui déçus par Macron, n’ont plus de candidat naturel, et surtout n’ont plus de programme, car ils sont incapables de penser l'économie d'après-covid.


Le programme, tel est la clé de 2022, dit-on. Mais justement, de quelque côté que l’on regarde, il n’y en a point.


Le Rassemblement National n’a pas de programme autre que lutter fort contre l’islamisme, c’est beaucoup, mais pas tout, et l’on peut dire qu’il n’a pas de candidat, tout au moins à la dimension nécessaire pour l’emporter. Certains rêvent de Zemmour, comme dans la droite molle on songe à Edouard Philippe. De fait, le seul projet du RN est de prendre le pouvoir. il peine cependant à se présenter comme un recours. Un changement pour changer les têtes, mais sans plus, n'est pas très vendeur. Le RN aura, de plus, à remonter le handicap de son discours anti-Europe, alors que l‘Union a prouvé son utilité et même sa nécessité dans la crise et pour en sortir.


De leur côté, les Républicains s’embourbent dans une quête de solutions bricolées à la hâte pour paraître à la mode. Le candidat de la droite, quel qu’il soit ne s’en sortira qu’en prenant des distances avec ces élucubrations vides comme l'est le revenu universel ; ce que les Français entendent comme : "toucher sans travailler", « et "encore plus de fonctionnaires à nourrir". Libérer l’économie, et donc la France de ses chaînes administratives devrait être le slogan majeur de la droite. Être elle-même et non une pâle copie de la gauche, est sa seule voie pour revenir au pouvoir. Mais LR comme le reste de l’échiquier politique est verrouillé par la pensée unique de l’élite d’Etat. Ce dogme se résume en un précepte : il n’y a de bonne solution qu’étatique. Un crédo dont le corollaire est que l’Administration doit rester au pouvoir, et surtout pas le rendre au peuple qui en ferait le plus mauvais usage.

On ne parlera pas du programme de Mélenchon, il se résume à sa personne. Celui des socialistes est inexistant. L’un d’eux, gauche caviar à deux louches, aurait récemment laissé échapper : « Zut, on n’a pas pensé au programme ! ».


Emmanuel Macron n’a pas encore annoncé son projet. Il pourra promettre de réaliser ce que la crise sanitaire l’a empêché de réaliser. Mais à part la réforme des retraites dont les Français ne veulent pas, tout en sachant qu’elle est inévitable, il n’a rien à offrir de neuf. L’écologie est une cartouche qu’il a déjà utilisée, et la start-up nation, modèle mondialisation n’est pas en odeur de sainteté. Ces explosifs mèche-courte sont désormais des pétards mouillés.


Certes, Macron a mûri, mais de ce fait, il est déjà ringard. Son quinquennat aura fait la preuve qu’il n’existe pas de solution magique « et de droite et de gauche » pour éviter les réformes structurelles. Après l’illusion Hollande, l’illusion Macron aura fait long feu. Fait plus grave, dans la gestion économique de la pandémie, il aura sacrifié les précaires et protégé les statutaires, fonctionnaires et salariés.

La prime au sortant risque d’être insuffisante ou même un handicap dans un scrutin où traditionnellement la population aspire au changement. Sur les grands dossiers, tous et toujours les candidats à la présidence ont promis le changement, voire la rupture... Emmanuel Macron avait une chance de rompre avec l’élite d’Etat, déconsidérée par la gestion pitoyable de la crise sanitaire, tout montre qu’il a renoncé à cette option, et s’est résolu à s’appuyer sur elle, faute de mieux.


Emmanuel Macron parait tout miser sur une réédition du match de 2017, qu’il croit gagné d’avance. Il s'illusionne gravement, car s’il est une certitude à ce stade, c’est que 70% des Français ne veulent pas voir se renouveler ce choix, preuve que ni l’un, ni l’autre de Macron ou Le Pen ne leur convient.



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