Morte la bête, mort le venin ?
- André Touboul
- 8 janv.
- 3 min de lecture

C’était un anti-juif vicéral, qui après son jeu de mots de « Durafour-crématoire » ajoutait qu’avec Patrick Bruel, il ferait une fournée supplémentaire.
On ne demandera pas si ce sinistre et vénéneux personnage se fera incinérer, ni où seront conservées ses cendres, ce sont des points de détail.
« Rien ne justifie que l’on danse sur un cadavre », déplore le Ministre Retailleau à propos des manifestations de joie de certains à l’annonce du décès de Jean-Marie Le Pen.
Certes, mais, dans ce cas particulier, le respect dû aux morts fraîchement décédés mérite une exception qui sans aller jusqu’à se réjouir, autorise d’être lucide.
On entend dire qu’il fut visionnaire en dénonçant le danger migratoire et moins clairement celui de l’Islamisme. C’est oublier que ce faisant, en des termes odieux racistes et provocateurs, il disqualifia ces thèmes pour des décennies.
Faire le lit du Front National, tel était le fatal verdict, pour déclarer fascistes ceux qui osaient prononcer le terme « immigration », ou celui « d’insécurité. », sans préciser qu’il s’agissait d’un sentiment.
Si Jean-Marie Le Pen a marqué la vie politique, il le doit à François Mitterrand qui en 1983 le sortit de l’ombre et de l’insignifiance pour en faire une marionette qu’il agitait afin de réduire la Droite au silence. Cette stratégie florentine a réussi, au delà de toute espérance, jusqu’en avril 2002 à faire battre Lionnel Jospin au premier tour des présidentielles, pour le plus grand bénéfice de Jacques Chirac. Il est vrai que ce dernier s’instituant l’adversaire radical du Front National s’est gauchi au point de devenir le roi fainéant dénoncé par Sarkozy.
Les compliments sur le talent oratoire de celui qui fut l’instrument de Mitterrand sont un hommage à la vulgarité qui, il est vrai, est une modernité quand on assiste au spectacle que les Insoumis offrent aujourd’hui à l’Assemblée Nationale.
Les commentateurs cherchent des héritiers à ceux que ses fidèles appelaient le Menhir. Une fois écarté le lien de parenté avec Marine sa fille, et/ou Marion, sa petite fille, on appelle Zemmour, pour l‘éliminer, bien qu’il soit seul à invoquer ce qu’il nomme le grand remplacement.
En vérité, le légataire universel de Le Pen, c’est Jean-Luc Mélenchon. Pour l’un et l’autre, les médias les créditent d’un talent exceptionnel oratoire et d’une grande culture. Ils n’ont pas tort, car tout leur est relatif. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois.
Sur le fond aussi, l’héritier marche sur les brisées de Le Pen. Son antisémitisme n’est pas viscéral, mais stratégique, ce qui ne vaut guère mieux. Comme Le Pen, Mélenchon est un chef charismatique, un véritable gourou qui tient sa petite entreprise de démolition de la démocratie d’une main de fer, maniant l’épuration sans états d’âme, pour en éliminer les lieutenants félons.
Le venin du racisme, c’est aussi un héritage assumé par Mélenchon qui en fait un argument anti-blanc, pour se rallier une clientèle racisée.
A la différence, cependant, de Le Pen, Mélenchon ne doit son ascension à personne, il s’est fait tout seul sur les décombres du Parti Socialiste dont il a raclé les fonds de tiroirs trotskistes. Il n’a pas, non plus, introduit sa descendance dans son parti, ne risquant pas qu’elle l’en expulse, manu militari, comme ce fut le cas pour le sulfureux héritier du cimentier millionaire Lambert.
On dit, enfin, que Jean-Marie Le Pen a disparu. En fait, il est mort. Quant à disparaître, il appartient à sa fille Marine, de dé-diabolisation en dé-extrémisation, de faire oublier les salissures qu’il a fait subir à un nom qui jusqu’ici a constitué pour elle un plafond de verre. On l’a constaté encore au second tour des législatives 2024, la mécanique imaginée par François Mitterrand fonctionne encore.
Morte la bête, mort le venin, cette formule est entrée dans l’histoire quand elle fut employée par le Régent Duc d’Orléans lors du décès du cardinal Dubois qui fut longtemps son âme damnée.
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