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On achève bien les chevaux




On l’a bien compris, le suicide insisté (sur lequel on insiste) est bon pour la planète. Un comportement éco-responsable commande au troisième et surtout au quatrième âge de déguerpir.


Entre l’arrêt des prestations retraite, l’économie de soins palliatifs, de la dépendance, d’hébergement en EHPAD, et, cerise sur le gâteux une bonne pincée de fiscalité sur les successions, le bénéfice d’un départ anticipé devient d’une telle évidence qu’il ne pourra longtemps être contourné.


Le plus pernicieux de cette marche triomphale et inexorable de l’euthanasie est que comme la plupart des délires de notre époque, c’est par un discours de pseudo « progrès » que le cortège mortuaire s’avance. On met en avant la dignité individuelle qui voudrait que l’on quitte la vie sans tomber dans la dépendance par définition dégradante, alors qu’elle est si touchante au début de l’existence.


La politique, en démocratie, est l’art d’orienter la vie sociale par des incitations plus que par des obligations. En l’espèce, l’exercice consiste à persuader les inutiles qu’ils sont de trop. Trop coûteux pour une société trop endettée. Ainsi, il ne serait plus possible de soulager la douleur insupportable.


Le fond de la question qui surgit est ce que notre société pense de la vie. Privée de dimension métaphysique, l’existence ne vaut plus assez la peine d’être vécue, si elle devient pénible.


Pour les religions, qui condamnent le suicide avec un bel ensemble, c’est une manifestation ultime d’égoïsme, de démission, de mépris pour l’immense chance d’avoir reçu la vie.


Dans le roman d’Horace McCoy, On achève bien les chevaux, l’auteur prononce un réquisitoire contre le rêve américain, sorte de religion de la société de consommation, sans dimension transcendantale ni morale. On présente le fait d’achever un cheval qui a un membre brisé comme un acte de compassion, mais, en vérité, ce n’est rien faire d’autre que de supprimer un inutile.   


Privée de repères moraux, la société ne peut que verser dans un utilitarisme matérialiste sans cœur, ni âme. Or le fondement de toute morale s’enracine dans la relation avec autrui. Si l’on achève les chevaux pour ne pas voir leur souffrance, c’est soi-même que l’on veut épargner. L’égoïsme, toujours ne conduit qu’au néant, car, ainsi que l’a aussi écrit Horace McCoy, Un linceul n’a pas de poches.

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