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OTAN en emporte le vent

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 24 févr. 2023
  • 5 min de lecture



L’un des argument de justification de l’invasion russe de Ukraine est la menace que la progression de l’OTAN ferait courir à la Russie. Mal informé, au début de la guerre, le Pape François, lui-même, a reproché à l’OTAN d’aboyer aux portes d’ex-URSS.


Quelques experts ajoutent qu’il avait été promis à URSS que l’OTAN ne progresserait pas en échange de l’acceptation de la réunification de l’Allemagne. D’autres, imputent cette promesse à l’acceptation de l’indépendance de l’Ukraine. Cette narratif se heurte à une évidence : la Russie n’avait rien à négocier lors de l’effondrement de l’URSS. La CEI, Communauté de Etats Indépendants, a été organisée par elle, et personne d’autre. L’Ukraine a quitté la CEI à la suite de l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie en 2014.


La seule immixtion des Occidentaux dans les relations entre Ukraine et Russie a été par le Mémorandum de Budapest sur les garanties de sécurité, signé le 5 décembre 1994, en vertu duquel l'Ukraine abandonne son arsenal nucléaire en échange de la garantie par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie de son intégrité territoriale.


Si quelqu’un a violé un engagement formel, c’est bien la Russie.


Depuis le début de l’invasion, le Pape a revu sa position. Sans doute a-t-il appris que l’OTAN n’est pas un pays, mais un traité, que c’est de leur propre volonté que des pays de l’ex-bloc soviétique y ont adhéré, et que la raison unique de cette adhésion à un accord purement défensif, était de se protéger contre un retour de la colonisation russe.


Il y a une certaine cécité à ne pas percevoir la différence entre une décision volontaire de rejoindre un abri de la part de la Pologne, des Etats baltes, etc… et l’annexion par la force de territoires appartenant à un Etat voisin que l’on qualifie soi-même d’indépendant.


Les mêmes experts, en général de bedonnants retraités du commentaire géopolitique ou des armes, n’ont pas tort de dire que la Russie n’était pas satisfaite de cela, mais elle ne peut rendre quiconque responsable de l’effondrement de l’URSS. Aucun coup de fusil n’a été tiré contre elle. La dislocation de son empire qui a suivi s’est produite selon des processus démocratiques, et la volonté d’indépendance de nombreux peuples qui s’est à cette occasion manifestée n’était que le résultat de ses abus et de son comportement colonial.


Il fallait être autiste pour croire, comme Poutine, que les Ukrainiens tomberaient dans les bras de leurs frères russes, au motif de leur slavitude commune en oubliant les exactions et le pillage de leur pays par le régime stalinien.


Le 16 mai 2003, le Parlement ukrainien adoptait une résolution qualifiant d’acte de génocide la grande famine de 1932-1933. En à peine neuf mois, de décembre 1932 a août 1933, celle-ci fit de 4 à 6 millions de morts sur les 32 millions d’habitants que comptait la République socialiste soviétique d’Ukraine. Occultée par le pouvoir soviétique, la réalité de cette « année noire » est désormais reconnue grâce aux témoignages des survivants et au travail des historiens. La nature politique et délibérée de cette famine n’est plus mise en doute, seul son caractère génocidaire fait débat. Jamais Moscou n’a reconnu ce crime, mais les ukrainiens lui ont donné un nom : l’Holodomor. Il se passe de commentaires


Vladimir Poutine n’est pas ignorant de cela, mais il est resté profondément soviétique. La réécriture de l’Histoire, qui a été un des piliers de ce régime, est une pratique naturelle. Et à force de nier les évidences les menteurs finissent par croire à leurs propres mensonges. C’est donc de « bonne foi » que Poutine a cru que ses soldats seraient accueillis par des jets de fleurs à Kiev en février 2022, les Ukrainiens ne demandant rien d’autre que de revenir dans le giron de la mère partie.


Du temps de l’URSS, les chars russes défilaient à Prague ou en Pologne au moindre signe de contestation, et tout rentrait dans l’ordre. Il est tout de même curieux que Poutine puisse s’étonner de ce que les chars soviétiques y aient laissé un mauvais souvenir. Curieux, mais pas surprenant, car ces interventions étaient qualifiées de soutien au peuples concernés, et le menteur chronique est toujours, un jour ou l’autre, victime de ses propres affabulations. L’URSS n’a pas fini de s’effondrer.


Pour le Président russe l’adhésion à l’OTAN de pays limitrophes n’est pas tant une question de sécurité nationale, car pour les missiles modernes les distances comptent peu, c’est surtout que cela rend improbable le retour de ces Etats dans l’orbite de l’empire.


Il est possible que l’Occident ait quelques torts dans la situation présente. Ce n’est pas en aboyant, mais certainement par ses démissions. Les Américains ont oublié leurs propres lignes rouges en Syrie, et plié bagage en Afghanistan, les Français ont cédé la place au Mali, acceptant de se faire remplacer par les mercenaires Wagner. Pouvait-il en être autrement ? On ne le saura jamais, mais remonter le temps ne change rien, les Russes et nous sommes désormais dans deux camps opposés.


La force de Poutine, et sans doute la seule, est d’appuyer là où l’Occident est vulnérable, c’est-à-dire le wokisme et les prétendues avancées sociétales qui sont autant de sauts dans l’absurde, et menacent la survie d l’espèce plus encore que la conflagration nucléaire.


Si le discours sur la décadence de l’Occident de Poutine n’est pas sans pertinence, il ne peut cependant justifier une confrontation armée, ni le sacrifice de centaines de milliers de vies, et le recul économique que cela entraine. Le risque de contamination des esprits, dans un pays où la liberté est sous contrôle, est faible, sinon nul.


Le bilan de l’opération spéciale est désastreux. Même et surtout si la Russie parvient à conserver les oblasts conquis. Ses relations économiques avec l’Occident sont coupées et le resteront pour longtemps.


Bien entendu, la Russie pourra se tourner vers d’autres acheteurs. Mais vendre du pétrole, du gaz et des céréales est une chose possible. Il aura toujours des clients. Que ceux-ci soient solvables est une autre affaire.


Dans une situation conflictuelle mondiale qui s’éternise, le commerce mondialisé baisse progressivement son rideau. La conséquence en est et sera un appauvrissement général. Mais tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. Comme toujours ce seront les vendeurs qui souffriront plus que les acheteurs. Quand le client ne passe plus commande, l’atelier tourne à vide.


En revanche, si la Russie se retire sur les positions du 24 février, et surtout si elle le fait plus ou moins volontairement, les plaies seront plus facilement recousues. Dans la méfiance et la prudence, certes, mais peu à peu le commerce reprendra.


Si de son côté, l’Occident se réveille de son cauchemar auto-suicidaire, non par la disparition des divagations woke et déconstructrices, les démocraties n’interdisent pas aux divaguants de divaguer, mais par une libération des voix de la sagesse, il y aura un avenir pour la paix dans le monde.


L’Histoire actuelle rappelle par les principes humains qu’elle implique, ses destructions et son aspect fratricide la guerre de Sécession américaine. Si les Occidentaux ne faiblissent pas devant la barbarie on pourra enfin dire que l’OTAN en emporte le vent.



 
 
 

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