Par exemple
- André Touboul
- 10 mars 2023
- 2 min de lecture

Eric Dupond-Moretti a inventé une nouvelle incongruité politique : le bras d’honneur parlant. Jusqu’ici le geste d’une grossièreté maximale était la réponse muette à qui l’on voulait outrager. Le Garde des sceaux s’est livré à cette création, il est vrai, dans le Barnum du boxon qu’est devenue l’Assemblée Nationale.
Avec une bonne foi plus que relative, le Ministre a exposé que le geste ne s’adressait pas à l’orateur des LR, mais à la présomption d’innocence que celui-ci aurait bafouée en rappelant sa mise en examen pour prise illégale d’intérêt par la Cour de Justice de la République.
La vulgarité étant à la mode, il a aussi insisté sur le fait qu’il avait répété son geste, tel un artiste dont la performance aurait été bissée.
Dans un radio-crochet, ou comme cela se fait maintenant dans une télé-réalité, un tel énergumène serait passé à la trappe. Mais notre République est bonne fille, elle tolère l’intolérable jusque dans les enceintes les plus sacrées.
Les Ministres ne peuvent être sanctionnés par la présidence de l’Assemblée, et les écarts de language même par gestes, ne sont pas du ressort de la Cour de Justice de la République, reste le tribunal de l’opinion. On dit beaucoup de mal de cette juridiction, prompte à condamner comme à encenser, mais elle est la mère de la bataille des urnes.
Par leurs incongruités, Mélenchon et ses Insoumis poursuivent un but clair, démolir la Vème République pour passer à la suivante. Voici que le Ministre Dupond-Moretti se joint à leur combat. L’homme, qui ne peut invoquer une difficulté d’élocution pour justifier ses gestes, se retrouve contraint à pinailler sur le sens de celui-ci, tel un député lepeniste qui s’écrie « qu’il retourne en Afrique », et déclare qu’il parlait de l’Ocean Wiking, passeur de migrants, et non de son collègue député, noir de peau.
En bonne compagnie, donc, Dupond-Moretti fait honte à ses anciens confrères. Si la Bâtonnière de Paris était encore l’autorité morale que fut sa fonction, il y a quelques années, elle n’hésiterait pas à le convoquer pour une admonestation paternelle. En effet, l’intéressé n’a pas démissionné du Barreau dont il momentanément omis, il reste tenu à l’obligation de vie digne qui s’impose à tout avocat.
Mais Eric Dupond-Moretti est un excessif, il ne se contente pas d’un doigt d’honneur comme son homonyme Zemmour, il y met deux bras.
L’exemplarité est un devoir de nos dirigeants et représentants qu’ils oublient trop souvent. Les Présidents de la République se veulent normaux comme François Hollande ou proches d’une certaine jeunesse tel qu’Emmanuel Macron. Nicolas Sarkozy a parfois oublié qu’il n’est pas très digne d’emprunter le nom d’un tiers comme il l’a fait pour celui de Bismuth. Les Ministres comme Jérôme Cahuzac déshonorent leurs fonctions. François Fillon, empêtré dans une irrégularité financière aurait dû se retirer pour garder la tête haute. Quatennens ne perçoit pas qu’il faut une cohérence entre les principes que l’on défend et son propre comportement. Ce ne sont que des exemples parmi d’autres, ils montrent que l’exemplarité, qui à l’époque de la Rome antique était une vertu essentielle de la République, a déserté la nôtre.
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