Quand l’Etat-providence est devenu l’Etat-scoumoune
- André Touboul
- 28 déc. 2020
- 3 min de lecture

La parole publique est discréditée, dit-on de tous côtés. Il serait plus vrai de dire que c’est l’Etat et ses relais médiatiques qui sont honnis.
L’État est rejeté, non seulement dans sa parole, mais dans son action, et ses symboles. Dans les campagnes de la France dite périphérique et les banlieues de cette autre France débraillée et braillarde, on crache sur la France des bobos-écolos-énarcos parisiens, une poignée de petits despotes profiteurs qui font la loi entre-eux, et ignorent le peuple quand ils ne le méprisent pas.
L’Etat-providence est devenu, pour la majorité des Français, l’Etat-scoumoune. Tout ce qu’il entreprend rate. La redistribution, le système de santé, l’éducation nationale, la sécurité, l’économie, malgré le « pognon de dingue » dissipé, rien ne va, tout fout le camp.
Il faut dire que depuis des années les têtes dirigeantes du pays ont pris l’autoroute en sens inverse, et ne cessent d’accélérer.
Depuis 2017, les technocrates qui prétendaient détenir les bonnes recettes ont montré qu’avant tout ils voulaient maintenir un système qui les avantage. Au panier les réformes structurelles, sauf celles qui centralisent encore plus.
Leur « boîte à outils » de mesures administratives autoritaires, s’est révélée totalement inadaptée à la gestion de la crise sanitaire. Quand il fallait d’abord conquérir la confiance des Français pour faire face à l’adversité, ils ont fait donner la police. Celle-là même qui avait enduré les samedis des Gilets jaunes, et qui, enfin, pouvait se défouler sur l’honnête citoyen. On entendit même certains se glorifier du nombre de contrôles et de procès verbaux dressés.
L’ennemi n’était plus le virus, mais les Français, réputés indisciplinés, chez qui il y a toujours un contrevenant prêt à contrevenir. Parti en guerre contre la population, le pouvoir parisien a aussi déclaré la guerre aux praticiens de ville, aux savants de province, les déclarant toxiques par principe et avant tout examen probant.
Toutes les tendances, historiques et sociologiques, le démontrent, les Français souhaitent un État fort, mais pas un État despotique et bas de plafond. Le Service public est une expression qui a disparu du vocabulaire, tant il est évident qu’il n’est désormais qu’un moyen pour quelques uns de se garantir des périls et misères de tous les précaires. De par la pandémie covid, la précarité a frappé partout, même ceux qui bénéficiaient d’une certaine aisance. Le fossé est devenu béant entre les garantis à vie par un statut public et les privés précaires par nature. Mais ce sont les privilégiés qui dirigent le pays. Ce hiatus ne pourra que s’accentuer dans l’année qui vient, et 2022 sera celle où l’abcès devra être percé, et le pus vidé. Il est souhaitable que cela se fasse par la voie pacifique de la démocratie.
Parler de l’identité française sans prendre en compte les trois France qui cohabitent et dont une seule se tient à l’abri quand les deux autres prennent, pleine face, tous les coups du sort, est une insulte au bon sens. L’égalité dont se gargarisent les privilégiés d’État, n’est pas notre riches et pauvres, comme au siècle passé, elle est entre précaires et garantis à vie.
La reconquête de la France par les Français doit commencer par celle du pouvoir démocratique, le seul légitime qui soit.
La menace sur l’identité française ne vient pas des banlieues, ni des populations périurbaines, celles-ci ne se manifestent que dans le vide laissé par les élites. Il est temps de renouveler ces dernières. Il suffirait pour cela d’une « nuit du 4 août ». Toute révolution commence, en effet, par l’abolition des privilèges. Suppression du statut de la fonction publique. A ce prix seulement, l’Etat sera régénéré et réconcilié avec la Nation.
L’Etat ne sera plus providentiel, on sait que dans le monde actuel, ce serait une promesse démagogique, il cessera d’être la source des malheurs des Français, pour devenir leur soutien dans les épreuves... L’Etat-partenaire. Le partenaire est celui sur qui l’on peut compter autant qu’il compte sur vous... autant mais pas plus.
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