Quand la roulette russe devient belge
Le système judiciaro-administratif a bon dos. Ses agents sont comme l’ensemble de l’Administration, jamais responsables et jamais coupables. A force de marcher dans le vide, c’est l’Etat qui finira par tomber.
Quand un fonctionnaire de la Préfecture se « trompe de papier » pour solliciter un visa consulaire auprès du pays d’origine d’un individu frappé d’Obligation de Quitter le Territoire Français, il est difficile de nier qu’il y ait eu faute, alors surtout que le pays en question ne refuse pas en principe cette délivrance.
Et pourtant, ce détail a été tout juste mentionné, simplement pour invoquer (à titre préventif et comme toujours) la surcharge de travail (?). Ce « raté », a contribué au viol et à la mort d’une jeune fille, puisque, sans ce retard (purement ?) administratif, le criminel suspecté n’aurait pas été présent et en liberté sur le territoire français pour commettre son forfait.
Cet argument d’insuffisance des moyens est irrecevable. Il est de la responsabilité du Préfet d’organiser ses services. Il lui appartient de mesurer les risques d’une allocation insuffisante des compétences quand la sécurité publique est en jeu. La sanction aurait dû tomber sur l’heure. Elle n’a même pas été évoquée. La mesure aurait été plus efficace que toutes les promesses de modifier la loi, qui ne sont que des excuses pour n’avoir pas appliqué celle qui existe.
La mutation du Préfet aurait été un minimum dans un Etat qui doit se respecter pour être respecté. La démission du Ministre de l’intérieur aurait dû être demandée. Il est vrai que celui-ci était déjà démissionnaire. Mais à aucun moment sa responsabilité politique n’a été mise sur le tapis médiatique, ce qui permet à Gérald Darmanin de continuer à parader au rang des prétendants à la candidature pour les prochaines présidentielles.
La Justice et son ministre ne devraient pas être exempts de critiques. En particulier, le juge qui a refusé la prolongation de la rétention administrative alors qu’il en avait le pouvoir, tout en ayant conscience selon les propres termes de son ordonnance de la possibilité de « trouble à l’ordre public », n’a pas commis une erreur d’appréciation, mais un choix personnel dicté par des motifs inconnus que l’on peut imaginer allant du souci de libérer des places de CRA, jusqu’au désir de favoriser un individu discriminé. On n’a pas entendu parler des suites internes de cette faute grave. Pourtant cette annonce aurait contribué à rassurer le citoyen qui voudrait pouvoir dire qu’il a confiance dans la Justice de son pays.
Mais l’inquiétude s’est aggravée quand on a lu et entendu invoquer le fait que le trouble à l’orde public n’aurait pu être apprécié qu’en fonction des quinze jours précédents ! L’absurdité de cet argument est confondante, s’agissant du risque de récidive de la part d’un violeur condamné comme tel, le risque était d’évidence permanent. Comme tout est permis, on a pu entendre un LFI, sur les ondes, au comble du cynisme et de l’odieux décomplexé, avancer, à l’inverse, que le criminel aurait inévitablement commis son crime s’il avait été ailleurs, sous-entendant qu’il convenait de relativiser l’émotion, et inférant qu’il aurait été bon de conserver l’individu sur le sol français pour pouvoir l’y soigner.
N’eut-il été, lui aussi, démissionnaire et éphémère, la responsabilité politique du Premier Ministre Attal aurait dû être mise en cause pour les imperfections du système qui a permis cette catastrophe. Il n’y a, en effet, aucune obligation européenne de limiter à 90 jours le délai de rétention administrative. Le délai conseillé par l’Union européenne est de 18 mois, et plusieurs pays membres ne fixent à cet égard aucun de délai. L’insuffisance de places dans les CRA est dit-on justifiée par leur coût, étrange argument de la part de ceux qui n’ont cessé de se flatter du « quoi qu’il en coûte ».
Bien entendu, les ignobles de service vocifèrent qu’il est honteux d’exploiter un fait divers, ils feignent d’oublier qu’il est du devoir premier du personnel politique d’interpréter les faits, de les qualifier de faits de société ou non, et d’en tirer les conséquences. Ceux qui interdisent qu’on le fasse ont du sang sur les mains, car bien plus que les jamais-responsables de l’Etat, ils contribuent par leur indignation sélective déterminée par l’intersectionalité de leurs luttes, à la démission d’une société qui préfère invoquer la fatalité que de se remettre en cause. Oui, le risque zéro n’existe pas, mais, on le sait, au volant, conduire sans prudence, c’est rapprocher dangereusement le zéro de la certitude de l’accident… et, quand on en est là, la roulette russe, avec le barillet plein, devient belge.
Disproportion ou dissuasion ?
La réponse proportionnée à une agression, c’est en somme la loi du Talion, est un progrès de civilisation. C’est un effort pour faire société et sortir du cycle infernal de la vengeance répondant à la vengeance.
Son application aux lois de la guerre suppose que les deux parties soient au moins d’accord pour régler leur différend par le sort des armes, mais de s’en tenir là, une fois que la guerre est terminée.
Au Moyen Orient, il ne s’agit pas d’une guerre, mais d’un combat d’extermination des Juifs par les Palestiniens et leurs alliés avec au premier rang l’Iran. Pour que les lois de la guerre reçoivent application, il faut que les deux belligérants se reconnaissent le droit d’exister, une fois le conflit réglé. Ce n’est ni le cas de l’Iran, ni du Hamas, ni du Hezbollah. Les lois de la guerre ne les concerne pas.
Au delà du rituel de la guerre, il y a la dissuasion. On en parle à propos de la menace nucléaire, qui consiste à faire renoncer l’agresseur éventuel par la certitude de dommages insupportables. Mais la dissuasion existe depuis des millénaires, elle consiste à infliger des pertes telles à un agresseur qu’il soit découragé de recommencer. C’est ce que les Israéliens appliquent à Gaza et au sud Liban. Cette dissuasion est nécessairement effroyable et frappe aveuglément parce que le plus fort possible. Elle ne distingue pas les civils des militaires.
On dira que cette stratégie est improductive, les bombardements allemands sur Londres et réciproquement alliés sur l’Allemagne n’ont pas persuadés les populations, et l’on peut même dire qu’à terme elle est le ferment d’un esprit de revanche. Mais elle est parfois la seule possible, et quant à la volonté de revanche elle existe déjà et ne peut être plus forte.
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