Quand le vent souffle fort, c’est la girouette qui a raison
- André Touboul
- 11 mars 2022
- 3 min de lecture

Nul ne peut se vanter de savoir à l’avance quelle direction prendra Emmanuel Macron, pas même lui ; ce n’est pas lui faire injure que de le dire, car c’est par principe qu’il se veut libre de toute doctrine.
C’est d’ailleurs cette imprévisibilité qui lui interdit de former autour de lui un vrai parti politique dont le fondement utile est de décliner la pensée d’une idéologie et/ou celle du chef. Le fameux « en même temps » qui autorise tous les changements de pied est avec Emmanuel Macron une méthode de gouvernement, mais d’un gouvernement sans gouvernail.
Énumérer le nombre de cas où le Président a bifurqué ou même rebroussé chemin est simplement faire l’histoire du quinquennat où seules les actions centralisatrices voulues par la haute Administration de Bercy ont abouti.
La politique du tango consiste à faire deux pas en arrière pour un pas en avant, ce n’est cependant pas celle qui caractérise Emmanuel Macron, car pour la mener encore faut-il avoir l’idée de ce qu’est la marche avant. Quand il dit qu’il est pour « ce qui marche », le Président ne s’embarrasse pas de débat sur ce qu’est ou non le progrès. Tout n’est pour lui que moyen. Même l’Europe n’est qu’un niveau pertinent de l’action, et pas un patriotisme.
De fait, le principe auquel se conforme le chef de l’Etat est celui de la girouette. Le sens du vent commande ses décisions. Sur la taxe carbone face aux gilets jaunes, sur les retraites, sur le nucléaire, sur l’argent magique, sur les différentes vagues de la pandémie covid, dans la crise russo-ukrainienne, enfin. S’il était un voilier, on dirait qu’il ne remonte pas bien au vent, mais va bien à l’aise dans le grand largue.
Nonobstant, ou plutôt à cause de ce caractère louvoyant, il convient parfaitement aux Français dans la circonstance présente, où la guerre menace. Nul ne sachant où va le monde, ce qu’il convient de faire est tout sauf évident. La certitude des électeurs est que Macron n’a aucune conviction. Il parle des heures avec Poutine, et après avoir reposé le combiné, il le traite de cynique et s’associe aux sanctions que le potentat russe qualifie d’actes de guerre. Encore le « en même temps » qui permet de se contredire sans états d’âmes. Comme dans le Grand Débat de 2018 où il a mouillé la chemise et démontré sa capacité de pratiquer la « disputation » jésuitique , Macron baratine Poutine, et les Français en restent babas, sachant néanmoins que cela ne sert à rien.
Dans la situation présente, Emmanuel Macron ne peut qu’être réélu, car on peut compter sur son opportunisme qui ne s’embarrasse d’aucune idéologie préconçue.
Mais la guerre en Ukraine ne durera pas cinq ans. D’une manière ou d’une autre, elle prendra fin et les incertitudes existentielles qui l’accompagnent avec elle. C’est alors qu’il faudra affronter les problèmes de fond que ni la pandémie covid, ni le coup de poker de Poutine n’auront fait disparaître. Ceux qui auront voté pour lui s’en mordront les doigts, car les seuls points fixes de la pensée macronienne : la mondialisation et la start up Nation, n’ont déjà plus aucune actualité. Ainsi, il faudra compter sur Macron pour faire de l’anti-Macron. Certes les Français sont accoutumés à voir la Droite faire de la politique de la Gauche et réciproquement, mais l’on a aussi vu dans quel déclassement cet exercice contre nature a mené le pays, sa démocratie et sa République.
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La transparence ne montre pas l’essentiel.
Les patrimoines des candidats à la présidentielle de 2022 ont été publiés. La déclaration d’Emmanuel Macron de 500.000 € interpelle. Le Président se serait appauvri depuis son entrée en politique.
En 2014, lors de son accession au gouvernement Valls II, il déclarait un appartement pour plus d'un million d'euros dans le XVè arrondissement de Paris, et un revenu de 2,4 millions d'euros lors de son passage chez Rothschild, en 18 mois entre 2011 et 2012.
En 2017, l’appartement disparaît, et il faisait état d’un actif net de 100.000 €.
En quatre ans environ, le Président aura quintuplé son patrimoine diront les esprits chagrins. D’autres constateront que cela correspond peu ou prou à son traitement de Président, c’est à dire 15.000€ brut par mois, impôts et charges à déduire. Ce qui n’est pas surprenant, car il a été logé, nourri et blanchi pendant tout son mandat.
Ce jeune loup de la finance, qui « valait » 2 millions d’euros par an, aura « perdu » près de 16 millions d’euros au service de l’Etat. S’il est reconduit, il sera sur la paille en 2027, par rapport à la situation qu’il aurait pu espérer. Mais que l’on se rassure, dès son retour dans la vie des affaires, il saura faire fructifier son investissement. Ce qu’il faudra observer sera la manière dont il aura préparer son terrain d’atterrissage.
L’exemple de Gerard Schroeder, entre mille, montre que les ascenseurs financiers ne se prennent pas pendant l’exercice du pouvoir, mais après.
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