Quousque tandem abutere patienta nostra ?
- André Touboul
- 30 oct. 2020
- 5 min de lecture

Face à une maladie, la première réaction est de tenter de soulager les douleurs de ceux qui en sont atteints, ensuite vient le besoin de rechercher un remède. Quand le mal se répand, “ils n’en mourraient pas tous mais tous étaient frappés” écrit La Fontaine, on en cherche la cause.
D’abord on désigne des responsables sur qui l’on crie “haro!”. Puis, l’observation aidant, on constate qu’il y a contagion par l’eau, la nourriture, l’air ou le contact, l’ennemi devient alors l’humain porteur du mal.
Dans la pandémie de la covid-19, on a su dès le début qu’il s’agissait d’un virus venu de Wuhan. Ce que l’on présente aujourd’hui comme un phénomène sans précédent, n’était, et de loin pas la première maladie virale venue d’ailleurs, et pas même la première pathologie respiratoire. Ce qui était sans précédent était la totale impréparation des services de santé occidentaux à un SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) venu d’Asie. On peut d’ailleurs le comprendre car les prédécesseurs du coronavirus nouveau n’avait touché que les populations asiatiques.
Ceux qui avaient pris peur lors des alertes précédentes furent taxés d’incompétence et les mesures prises (masques et vaccins) considérés comme de la gabegie.
Ces faits ne parviennent pas à justifier la totale désorganisation des politiques de santé en Europe et aux USA, Etats pourtant très fiers de leur médecine, de leur science et de leurs établissements hospitaliers.
Réagissant en ordre dispersé, les pays occidentaux ont tous tout raté ou presque. A quelques exceptions près. Les résultats atypiques se répartissent en deux extrêmes. Les bons élèves, d’abord, dont il est difficile d’expliquer les performances tant les moyens employés et les ressources dont ils disposaient étaient divers. A l’opposé les cancres qui ont un point en commun. Celui de disposer de leaders mondiaux en matière d’industrie pharmaceutique. Si l’on excepte la Suisse, les pays disposant de Big Pharma sont les Etats-Unis, la France et le Royaume Uni. Ces trois Etats ont enregistré les pires performances en matière de contagion et de nombre de décès.
Dans ces pays, tout a été misé sur le vaccin à venir. Des sommes colossales ont été investies dans une course au vaccin miracle qu’il serait possible de découvrir et produire en quelques mois, alors que l’on sait qu’il faut plusieurs années (au moins cinq) pour obtenir un vaccin efficace et sûr, c’est à dire ne présentant pas d’effets secondaire inacceptables. Le défi était audacieux, car on sait que la forte mutabilité des virus les rend réfractaires à l’éradication par la vaccination. Les maladies virales qui par le passé ont disparu se sont éteintes d’elles-mêmes, sans que l’on sache précisément pourquoi.
Ce qui s’est produit en France illustre l’effet délétère qu’une industrie et une recherche performantes peuvent entraîner en matière d’épidémie.
Dès le début, les autorités de santé se sont rangées derrière les faiseurs de miracle comme l’INSERM, et l’Institut Pasteur ainsi que derrière SANOFI, notre champion de l’industrie pharmaceutique. La doctrine officielle a été que l’on ne peut soigner les maladies virales et qu’en conséquence il ne pouvait exister de traitement, à quelque stade de la maladie que ce soit. Ceux qui prétendaient le contraire ont été qualifiés de charlatans, vendeurs de faux espoirs, voire pis, de scientifiques approximatifs. Et les produits expérimentés par eux ont été interdits au prétexte d’une dangerosité imaginaire.
La doctrine officielle a été qu’il convenait de se soulager par le paracetamol, d’attendre que des symptômes sévères se produisent, puis d’appeler le 15. Les cas les plus graves ont seuls été admis dans les hôpitaux où les lits de réanimation ont été très vite saturés.
Pendant cette phase ont été menées des études de divers produits en milieu hospitalier, c’est à dire sans doute trop tard pour enrayer le mal contre lequel rien n’était tenté dans les premiers temps de la maladie, le médecins de ville étant priés de ne pas se mêler de soigner un mal dont au demeurant on ne savait rien, ou presque.
En effet, étrangement, la maladie épargnait les individus les plus jeunes, et frappait dans ses formes les plus sévères les séniors, les personnes atteintes de certaines autres maladies, les hommes plus que les femmes, les personnes dont le groupe sanguin est différent de O.
Les études du type Discovery se sont soldées par un terrible échec. Sans doute pour dissimuler l’imprévoyance, on a exclu le port du masque, pour réserver celui-ci au personnel hospitalier, et négligé les tests dont on attendait qu’ils soient parfaits et homologués. Il fallait un test français, alors qu’il en existait en Allemagne. Les Français pouvaient rouler en BMW et en Audi, mais pas se faire tester par un procédé utilisé Outre Rhin.
A cette bizarrerie, s’ajoutait la réticence du système d’Etat de faire appel au secteur privé de santé.
Il a donc fallu, par un confinement national, sacrifier l’économie, pour proclamer haut et fort que la valeur suprême de la vie humaine devait primer toute autre considération. Le motif invoqué était de protéger, non pas les patients, mais l’hôpital public.
Le déconfinement a pâti des pieux mensonges de la première phase. Il a été difficile de persuader la population de se protéger par le port du masque, si peu de temps auparavant déclaré comme inutile et même nuisible par les plus hautes autorités de l’Etat.
Dans cette période, le confinement lui-même a peiné à être crédité du mérite de la décrue de l’épidémie. Beaucoup estimant que le virus avait perdu, de lui-même sa virulence.
Les objurgations des pouvoirs publics n’y ont rien fait, tant la parole gouvernementale était dévalorisée.
Les mois d’été qui ont suivi n’ont pas été mis à profit pour muscler le système de santé que l’on a simplement récompensé par des promesses de primes en négligeant de créer les lits de réanimation supplémentaires pourtant annoncés.
A cette négligence s’est ajoutée le fiasco des tests dont on a tellement multiplié le nombre qu’il est devenu impossible d’en obtenir un résultat utile en temps voulu. Procédant de la même volonté hexagonale, l’application de traçage informatique franco-française a été un échec cuisant, à ce point que même le Premier Ministre Jean Castex avouait ne pas l’avoir chargée.
Il a donc fallu reconfiner en catastrophe. Avec des perspectives semblables à la fin du premier confinement.
Aujourd’hui, c’est le même Ministre de la santé qui a raté tout ce qui pouvait l’être et le Premier Ministre qui était chargé du déconfinement qui sont aux commandes.
Le Président Macron a déclaré aux Français qu’il menait une guerre contre la pandémie, et tient des conseils de défense contre le virus. Mais il semble ignorer que pendant la première guerre mondiale, on a limogé les chefs incompétents.
On peut comprendre qu’il hésite à changer de Premier Ministre si nouvellement nommé, mais qu’il conserve le Ministre Véran est absolument incompréhensible. La docilité des Français est mise à rude épreuve.
Prendre un nouveau départ exige que le Président désigne un nouveau Ministre de la santé. Ce serait la moindre des choses, le respect minimal dû au peuple français.
Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra, écrivit Cicéron, jusqu’où, Catilina abusera-tu de notre patience ?
Comments