Revenir de l’au-delà du réel
- André Touboul
- 15 avr. 2023
- 4 min de lecture

Le dragon, ceux qui croient le chevaucher, c’est à dire accéder à la sublime liberté, ne font le plus souvent que le chasser, ce qui selon l’expression consacrée veut dire qu’ils s’abandonnent aux chimères de l’opium.
Il y a eu l’argent magique, le monde imaginaire où l’on ne travaillerait plus, les miracles de l’exception française, l’héroïque fantaisie des vérités alternatives de l’extrême gauche, ou les miroirs aux alouettes des extrêmes droites. Le Conseil Constitutionnel vient de mettre fin à ces voyages au-delà du réel.
Les 9 Sages, dont on s’apprêtait à chanter les louanges s’il avait « retoqué » le projet de loi sur les retraites, comme disent les journalistes qui ne savent pas ce qu’est une toque, a déçu Mme Panot, patronne des députés LFI. On dira qu’ils ont évité de tomber dans le panneau en censurant une loi régulièrement votée et conforme à la Constitution. Les médias attendaient qu’ils cèdent à la pression de la rue. C’est raté.
Pris à contrepied, les gazetiers tentent un rétablissement en augurant des lendemains houleux et en prédisant, pour le moins, une totale paralysie gouvernementale. Le réveil est brutal, mais il leur faudra bien
revenir au réel.
La vérité, qu’ils ont tout fait pour dissimuler, est qu’avec les 64 ans, les Français (qui, de fait, prennent déjà leur retraite à 63 ans pour bénéficier de tous leurs trimestres) sont encore des privilégiés en Europe où l’on se situe entre 65 et bientôt 70 ans. Cette évolution, rendue nécessaire par la démographie impose que l’on aménage la vie au travail tout du long de celle-ci, rend disproportionnées les manifestations contre ce qui n’est qu’une adaptation modeste.
L‘évidence refusée par les médias est aussi que le mouvement dans la rue n’a rien de massif et s’étiole. On occulte le fait que le front syndical uni ne l’est qu’une théorie et en paroles. Seule la CGT fait grève, la CFDT ne fait rien. L’intraitable Laurent Berger ne peut se targuer d’aucune grève dans le privé.
Les sondages annoncent que 62 % des Français soutiennent toujours le mouvement contre la réforme, mais c’est une réalité en trompe-l’oeil, car ils sont tout aussi nombreux pour considérer que celle-ci est inéluctable.
Alors, les énervés, qui ne veulent pas avoir tort, se rabattent sur la méthode. En somme, Emmanuel Macron aurait dû demander plus poliment.
Une telle inconséquence de la part des médias est ahurissante. Si la réforme est une nécessité, la façon de la mettre en oeuvre importe peu. Il est, de plus, singulier de s’étonner que le monarque républicain ait le mauvais goût de décider. Tel est le principe de l’élection du Président au suffrage universel direct.
Jusqu’ici, nul ne s’est inquiété de savoir pourquoi Emmanuel Macron a tenu contre vents et marées. Investi de la charge des destinées de la France, aurait-il dû plier devant les extrémistes et devant la rue ? Devait-il se muer en roi fainéant comme le fit Jacques Chirac ?
L’histoire jugera s’il agi avec courage, ou par caprice.
Elle retiendra qu’il avait annoncé peu de choses dans sa campagne électorale de 2022, mais bien précisé qu’il porterait l’âge de départ à la retraite à 65 ans. S’il mérite un reproche à cet égard, ce serait d’avoir reculé, et en quelque sorte négocié contre lui-même.
Ceux qui s’autorisent à parler au nom du peuple, comme s’il leur appartenait, exposent que les électeurs auraient mal compris, ou voté en pensant à autre chose. Pis, certains vont jusqu’à dire qu’en votant Macron, ils étaient persuadés qu’il ne réaliserait pas cette promesse. Quelques uns argumentent que les législatives ont contredit l’élection présidentielle. Les stupidités le disputent à l’inexactitude. Les législatives n’ont pas privé le Président de son pouvoir. Faute de majorité alternative à la sienne qui pour n’être que relative existe bien, il a toujours le pouvoir de mener à bien sa réforme. Le Conseil Constitutionnel vient de le confirmer.
Pour ceux qui ont amusé la galerie pendant des mois, il est temps de faire les comptes. Laurent Berger s’est fait manipuler par la CGT. Il aurait pu obtenir beaucoup en négociant, il n‘a rien eu. Seuls les LR ont négocié tout en restant dans l’opposition. Ainsi, le Sénat a voté un texte qu’il jugeait utile, sinon indispensable. Il s’est honoré par son sens des responsabilités.
Les Insoumis ont une fois de plus démontré leur capacité à agiter du vent sans résultat. Quant aux Lepénistes, ils se sont opposés sans proposer autre chose que le retour à 60 ans assorti de complexités telles que nul n’en comprenait goute. Du Marine Le Pen pur jus, semblable à ses explications sur l’abandon de l’Euro en 2017, qui en était un sans l’être.
L’atterrissage sera douloureux pour tout ce petit monde de cloportes d’une démocratie qui se cherche sans se trouver.
Gageons que les girouettes médiatiques, tout en grinçant pour la forme, se mettront bientôt au diapason du réel.
Et la France dans tout cela ? Elle aura franchi une étape nécessaire dans le retour au monde tel qu’il est.
On apprend ces jours-ci que pendant le premier quinquennat Macron, le nombre des agents publics a pour la première fois depuis des décennies diminué, comme a diminué encore plus le chômage. Il n’est pas interdit d’y voir une certaine relation.
On parle beaucoup de réforme à faire qu’Emmanuel Macron ne pourra pas faire. La plus importante, la mère de toutes les réformes serait la suppression du statut de la Fonction publique. Certes, le travail a été commencé par le sommet du fait de la suppression des Grands Corps, mais le mot reste un tabou aussi intouchable que le totem du Service public.
*
Comments