Seppuku
Seppuku, aussi appelé Hara-kiri dans la langue populaire, est un acte ultime par lequel au Japon on peut échapper au déshonneur de la défaite en se « coupant le ventre », littéralement et physiquement.
Il y a quelque chose du Seppuku dans le comportement des représentants du parti Les Républicains, dans ces dernières heures. La noblesse du geste des ténors ne fait pas de doute. Le désespoir, aussi, car le Seppuku ne débouche sur aucun avenir. C’est un point final.
En politique, en disparaissant, on laisse toujours la place à d’autres. Toute la question est de savoir si ce ne sera pas pour ceux que l’on redoute.
Au lieu de dépasser la droite et la gauche, Emmanuel Macron fait surgir un duel extrême gauche contre extrême droite avec au milieu sa majorité qui coule, comme le dit si bien l’image utilisée dans son brillant éditorial du Figaro Vincent Trémolet de Villers.
Le calcul du Président est de voir se rallier à lui tous ceux qui refusent les extrêmes. Mais pris entre le marteau de gauche et l’enclume de droite, les électeurs de la droite modérée pourraient plus volontiers se reporter sur le Rassemblement National que sur un vote Macron. On sait qu’à la différence de leurs leaders, ils souhaitaient qu’un accord intervienne entre les différentes composantes de la droite. Ciotti, président élu par les militants, a été exclu, mais un parti peut-il, sans disparaître, exclure ses électeurs ? Il y a peu de chances que leurs suffrages se portent sur les macronistes, dont les caciques LR rejettent les avances, et qui, eux-mêmes, mettent leur drapeau dans leur poche. Le Président, que dans son propre camp on déclare « radioactif », avait une majorité relative, il n’en a plus du tout. Dans l’après Macron, qui a débuté le 9 juin 2024 au soir, on prévoyait une recomposition où chacun de droite et de gauche rejoindrait sa famille politique. En brusquant le mouvement, le chef de l’Etat l’a accentué. Ce sont aux extrêmes que les français se reportent.
Le système médiatique, terrorisé par la perspective d’un bouleversement politique, ne manque pas d’agiter des épouvantails. Certains sont de vrais dangers qui n’auront pas d’effets, d’autres des fantasmes plus efficaces.
Le programme économique du RN est aberrant. Certes, mais c’est le propre de tous les catalogues de promesses de campagne qui n’engagent que ceux qui les écoutent.
Il y a une certaine indécence à agiter le spectre de la dette publique quand on est celui qui l’a creusée comme jamais. C’est le prodigue qui donne des leçons d’avarice.
Les errances économiques sont, au demeurant, la chose du monde la mieux partagée.
Leur perspective est un obstacle à la victoire politique, mais l’électeur n’est pas un comptable, et moins encore un expert-comptable.
Il est des efforts qui coûtent, ce sont ceux qui sont imposés par un gouvernement honni. Et parfois les mêmes sont acceptés sans maugréer quand ils sont consentis dans le cadre d’un projet auquel on adhère pour d’autres raisons.
Les nationalisations de Mitterrand ont été une catastrophe sur laquelle il a fallu des décennies pour, non pas s’en guérir, mais s’en dépêtrer ; ce qui fut d’ailleurs pour l’essentiel le travail réalisé par la gauche de Jospin.
Le spectacle que donne le Parti Socialiste n’est pas plus réconfortant. Avec une absence totale de décence il vend son âme à Mélenchon pour quelques deniers… des circonscriptions à gagner, ou pas. Olivier Faure et Erik Ciotti font, en fait, la même chose : de la tambouille pour sauver les meubles. Chacun pactise avec son Diable.
Le pire est à gauche. Le RN est un parti d’origine peu ragoûtante, mais, d’évidence, il se soigne, en tentant de se dédiaboliser. Les LFI au contraire s’enfoncent dans la fange de leur ignominie anti-française et anti-juive.
La compromission d’Olivier Faure salit tous les socialistes sincères. Le risible est peut-être le nom choisi pour la manœuvre : « Front populaire ». Le ridicule de dénommer ainsi un mouvement qui, précisément, est déserté par le peuple, n’a pas arrêté ces héritiers antisémites de Léon Blum, dont ils ont sans doute oublié la judaïté.
Et nous, alors ? Peuvent s’exclamer les Français.
Emmanuel Macron justifie sa décision de dissolution par un calcul savant tendant à lui redonner la main, ou à piéger Mme Le Pen, ce dont on peut douter quand on n’est pas convaincu par la certitude de son génie. Les Français ont le sentiment d’avoir compté pour beurre.
Voir se lever une majorité présidentielle après les résultats des européennes qui ne sont pas venues de nulle part, mais qui correspondent à un mouvement général en France et aussi en Europe, partout où les problèmes sont laissés sans solution, ou pis, dont l’existence est niée, serait un retournement que seules les grandes figures de notre histoire ont réussi. Jeanne Hachette, Jeanne d’Arc, Charles de Gaulle… ont su retourner le sort contraire. Cela ne s’est jamais fait en un mois, ni deux.
Donner le pouvoir à Bardella pour qu’il s’y casse les dents, ou qu’il trahisse Marine Le Pen, est un calcul qui a peu de chances d’aboutir.
On voit déjà qu’en faisant une place dans les circonscriptions aux amis de Ciotti, le RN ne joue pas la majorité absolue, mais relative. Dans cette hypothèse, les responsabilités seraient partagées, et Mme Le Pen pourrait rester en réserve de la République.
Quand à l’objectif de voir Bardella trahir comme le fit Balladur, il révèle qu’Emmanuel Macron ne cherche pas à écarter le RN, mais uniquement Marine Le Pen. Etrange conception de l’intérêt de la France !
Passée la stupeur de l’inédit d’une dissolution de caprice, et les résultats d’une élection qui risque, soit de donner à la France une majorité absolue de droite nationale, soit une chambre ingouvernable, il sera temps que les grandes personnes reviennent s’occuper sérieusement du pays. Faute de personnalité providentielle, il faudra que les adultes se mobilisent et désignent leur candidat dans une élection présidentielle qui désormais ne saurait tarder.
Excellent!