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Siphon




Le siphon est un appareil qui permet transvaser des fluides. Utilisé en plomberie, il permet d’éviter que des odeurs nauséabondes ne remontent des canalisations et n’envahissent les pièces de vie. Ce dispositif reçoit  aussi une application, assez spéciale en politique.


A gauche, depuis le discours d’Albert Treint lors du premier exécutif élargi de l’Internationale Communiste de 1922, on parle de « plumer la volaille », à l’époque socialiste. L’image reviendra, en miroir, lorsque François Mitterrand, dans les années 70/80, décida de plumer la volaille communiste. Elle est réapparue dans la bouche de Mélenchon en mai 2022 quand il déclarait  :  « plumer la volaille socialiste ne sera qu’un jeu d’enfant ».  Le sens de cette métaphore est limpide, il s’agit de s’approprier un électorat aux dépens d’un concurrent, le dépouiller sans qu’il criaille trop, à la faveur d’une union, plus faciale que réelle. Tel fut, pour la France Insoumise, l’objet de la NUPES, puis du Nouveau Front Populaire, comme le Programme commun servit à Mitterrand pour asseoir la domination du Parti socialiste.


A droite, on n’utilise pas ce cliché, peu respectueux des électeurs, mais l’on parle de siphonner des voix, ce qui n’est guère plus flateur. Cette opération consiste à s’emparer d’une part de l’électorat d’un parti en adoptant ses thèmes, sinon son idéologie.  On a utilisé l’image en 2007 quand Nicolas Sarkozy fut élu Président grâce à un discours droitisé qui lui permit de gagner à sa cause une part non négligeable des votes de l’extrême droite.


Le phénomène de siphonage a reçu application en 2017 quand Emmanuel Macron s’est emparé d’une part de l’électorat de la Gauche et de la Droite, partis qui ont été plumés au sens physique du terme. La méthode originale a consisté à prétendre que les solutions pour résoudre tous les problèmes existaient , et que seuls les a priori idéologiques partisans empêchaient qu’on les mette en œuvre.


L’expérience a montré les limites du « en même temps ». Et Emmanuel Macron, bien que réélu en 2022 dans un contexte de menace de guerre imminente, a cessé de représenter un argument électoral. La majorité absolue lui a été refusée dans la foulée de la présidentielle. Il est même devenu un repoussoir, son propre camp répugnant à se réclamer de lui devant le corps électoral de 2024.


Le siphon s’est mis à refluer. Mais au profit de qui ?


Entre 2017 et 2024 le nombre de voix de la Gauche est resté stable. D’un total de 27,6% en 2017 réparti à égalité entre LFI + PC, et les autres, la NUPES obtient 31,5% en 2022, et ce sera 30,3% en 2024 pour le NFP.  Il apparait clairement que si, à l’intérieur de la Gauche, le parti de Mélenchon a plumé les socialises, celle-ci n’a profité que fort peu de l’affaissement du macronisme, et à même un peu reculé lors de la dernière consultation.


Il en va tout autrement de l’extrême droite. Le Front National récoltait 14,4% des voix en 2017. Quand les LR en avait 21,6%, et les Macronistes  32,3%.


En 2022 le RN réunit 18,7%, LR 12,8%, et les Macronistes 27%.


Et en 2024, les chiffres sont les suivants : RN 33,4% , LR 10,2% et Centristes 22%.


Ainsi entre 2017 et 2024,   10% des suffrages ont déserté LR et autant venant des Centristes  pour se reporter sur le RN qui a ainsi gagné 20 points.


Il fallait, en face de ces résultats, un certain aplomb pour la Gauche de se déclarer vainqueur, alors que par rapport à 2022, elle reculait de 1,2 points quand le RN progressait de 14,7 ; et que, de plus, ce dernier la devançait de 3,4 points.


Ce mouvement, qu’il faut qualifier de massif, accompagne la dé-diabolisation du parti lepéniste, et aussi sanctionne les efforts de celui-ci pour faire montre d’un sérieux contrastant avec la « bordélisation » orchestrée par les mélenchonistes. Mais il révèle surtout une sociologie différente de l’électorat RN. Ce ne sont plus les travailleurs orphelins du communisme, et un vote protestataire qui nourrit le vote RN, mais des électeurs  plus modérés qui constituent aujourd’hui près des deux tiers du capital politique du parti de Marine Le Pen.


Cette considération est essentielle pour les consultations futures tant législatives que présidentielle.


Le bénéfice de ce siphonage pourrait, en effet, bien s’évanouir si le RN et sa candidate ne renoncent pas à la promesse démagogique d’abolition de la réforme des retraites qui est soutenue par les médias par un anti-macronisme désormais viscéral.


La compétition du RN avec LFI sur ce point est essentielle, car le premier espère devenir parti de gouvernement, ce qui n’embarrasse pas les Mélenchonistes.


À ce jeu, Marine Le Pen risque fort de perdre les 20% de voix qui lui viennent à égalité « et de la Droite, et du Centre ».


Le Rassemblement national devrait aussi se défier de l’instauration de la proportionnelle,  car dans un tel système, la volaille macroniste tant LR que PS risque fort de retourner à son poulailler d’origine.


L’expérience de Nicolas Sarkozy, qui avait réussi a dépouiller le Front National en 2007, a montré que les opérations siphon ne sont pas irréversibles.

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