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Un garde-fou nécessaire

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 19 mars 2023
  • 4 min de lecture

Les idéologues qui militent contre le capitalisme, oublient trop souvent de dire que l’unique objet de leur ressentiment est le capitalisme privé, et qu’en fait ils prônent le capitalisme d’Etat. Ils préfèrent dénoncer les excès et dérives du capitaliste, supposé égoïste, partant du principe que « la propriété (privée), c’est le vol » comme l'énonçait le bon vieux Proudhon.


Le Parti anticapitaliste, par exemple, évite de s’étendre sur les inconvénients du capitalisme d’Etat, nécessairement géré par une bureaucratie dont il faudrait expliquer en quoi elle deviendrait soudain compétente, soucieuse du bien public alors qu’elle démontre chaque jour qu’elle confond service public avec l’abus des biens publics. La partie la plus visible de cette prévarication est la pratique de la grève dans les services publics, notamment des transports. Mais elle va bien au delà, la gabegie administrative et les prébendes de la fonction publique sont devenus la règle dans le doux pays de France où l’on plante des fonctionnaires et l’on récolte des impôts.

Le transfert du privé à l’administratif des choix économiques, c’est simplement ôter au citoyen une de ses libertés essentielles, celle d’entreprendre. Même le communisme à la chinoise a reconnu que le développement économique ne peut émaner de l’Administration, et qu’il faut bien laisser la bride sur le cou au privé si l’on recherche la prospérité économique.


La distinction entre public et privé n’est cependant pas la seule qu’il convient d’opérer, il est aussi essentiel de se préoccuper de ce que l’on appelle le capitalisme financier, qui est une dérive non nécessaire du capitalisme. On en connaît les effets qui secouent périodiquement le secteur bancaire et s’étendent à l’économie toute entière. Les grandes crises économiques passent désormais par les banques.


Les économies, de plus en plus connectées entre elles, sont d’autant plus sensibles aux défauts de certaines banques que, par souci notamment de traçabilité, l’on a rendu pratiquement obligatoire l’usage de comptes bancaires pour les entreprises et aussi les particuliers.

Après la crise de 29, les Etats-Unis avaient réglementé strictement l’activité des banques, en séparant les banques de dépôt et les banques d’affaires, et aussi en limitant la capacité d’opérer d’une banque à un seul Etat. Ces mesures de bon sens avaient pour but de se préserver des effets systémiques de la banqueroute d’un établissement majeur. De ce dogme, l’on est passé à un autre, l’inverse : too big to fail. Trop gros pour tomber. La dérégulation s’est déchaînée avec le prétexte de faciliter la liquidité qui finance les entreprises. La chute de Lehman Brothers a montré que l’absence de régulation était un piège pouvant se révéler fatal. Les tenants de la totale liberté financière n’ont pas pour autant désarmé.

Le hiatus entre la dépendance obligatoire pour les particuliers et entreprises vis-à-vis des banques, et la fragilité de ces établissements devient intolérable. Les solutions qui consistent à exiger des banques qu’elles s’assurent pour garantir (très partiellement) la liquidité de leurs déposants restent très insuffisantes.


La raison voudrait que se développe un véritable service public de caisse. Ouvert aux déposants qui le souhaiteraient. Non rémunéré, ce système, donnerait aux citoyens une sécurité totale. Libre à ceux qui entendraient prendre des risques, d’en courir par des placements aventureux. Le problème posé par la situation actuelle est que, par sa réglementation, l’Etat contraint les particuliers à utiliser les comptes bancaires. L’interdiction de procéder à un paiement quelconque en liquide au delà de quelques euros, devrait, en contrepartie, contraindre les pouvoirs publics à sécuriser les déposants. A cet égard, l’Etat est défaillant.

On a vu, lors de la crise de 2008 en France, les épargnants se ruer sur la Banque Postale, dans l’idée que celle-ci, par son statut public, ne manquerait jamais de la liquidité nécessaire. La banqueroute généralisée n’a pas eu lieu, mais le vice du système est toujours présent.


Dans l’urgence de la défaillance de trois banques californiennes, le Président Biden s’est empressé de déclarer que les déposants pourraient sans faute disposer de leur argent, mais il a aussi précisé que les contribuables américains n’auraient pas à supporter quelque coût que ce soit. Somme toute, ce sont les actionnaires de ces banques qui seuls vont trinquer. Ceci, bien entendu, suppose que les pertes se limitent au montant du capital social de ces établissements. Le secteur des startups qui est celui de ces établissements, est typiquement celui des investissements risqués. Il était donc prévisible que la hausse brutale des taux allait être pour eux une épreuve de vérité. C’est quand la mer se retire que l’on voit ceux qui se baignent sans maillot, se plait à dire Warren Buffet.


Il est temps que l’Union Européenne qui est plus exigeante que les Etats-Unis sur les obligations prudentielles des banques, d’une part augmente sa pression sur les établissements américains qui opérant en Europe, directement ou indirectement en y plaçant leurs titres et produits, ne respectent pas les normes requises, et d’autre part qu’elle organise un système de caisse totalement garanti pour la vie quotidienne des détenteurs d’euros en Europe.


Un tel organisme autoriserait la BCE à assurer la liquidité du système bancaire pour la financement de l’économie, sans craindre de susciter un dérapage inflationniste. Tel l’œuf de Christophe Colomb ce procédé simple pourrait sauver le capitalisme privé qui faute de garde-fous finira bien par s’autodétruire.


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