Un pognon de dingue
- André Touboul
- 24 déc. 2022
- 3 min de lecture

Dans le charivari des idées folles qui accompagne la litanie des échecs que rencontre la France, on trouve dans Marianne une pépite qui a un bel avenir. L’Etat serait devenu incompétent du fait qu’il applique les modes de gestion des entreprises privées.
Dans son éditorial, Natacha Polony enfourche ce cheval de bataille. Ce serait le libéralisme qui aurait engendré la bureaucratie.
La culture du paradoxe a ceci de fascinant qu’elle produit des fruits en abondance et, puisque l’on a quitté le royaume du vraisemblable, son rendement est sans limite.
La thèse est limpide. L’Etat ne devrait pas se soucier de rentabilité. Etant par nature exécutant du bien public, il n’a pas besoin de justifier son action par des résultats. Ce que fait l’Administration est ce qu’il faut faire, simplement parce que c’est elle qui le fait. Il est inconvenant de demander à l’extérieur d’évaluer ou de conseiller les hauts fonctionnaires puisqu’ils sont infaillibles, comme le douanier de Fernand Raynaud l’était, puisqu’il était douanier.
Les causes de l’état calamiteux du système de santé, c’est la faute au principe de rentabilité, et non à l’incurie des fonctionnaires qui croyant gérer une entreprise ont agi en bureaucrates.
Le naufrage de l’enseignement ? C’est parce que l’on n’a pas fait appel aux 300.000 fonctionnaires du mammouth qui ne sont pas des enseignants (sic). Le fait d’évidence est que ce sont précisément ces surnuméraires, qui pataugent dans les idéologies d’une égalisation par le bas, de l’écriture inclusive et autres absurdités woke, qui sont les responsables d’une désaffection pour l’enseignement public, tant des enseignants que des parents, et c’est plus grave, des élèves eux-mêmes.
Une fois de plus, les bureaucrates ont trouvé la parade, les fautifs ce sont les autres. Ce sont les vilains capitalistes qui polluent leur travail.
La France est médaille d’or des prélèvements publics. Si l’on doit demander « que fait-on du pognon ? » comme le titre Mme Polony, ce n’est pas aux entreprises mondialisées qui se contentent de s’adapter à l’environnement légal et réglementaire des Etats, et qu’on le veuille ou non le font en considération du prix le plus bas, c’est-à-dire in fine de l’intérêt du consommateur, Les comptes, il faut les exiger, comme le fait la Cour des Comptes, aussi méthodiquement et patiemment que sans effet, à ceux qui dirigent l’Etat.
Ces dernières décennies l’on a vu que clouer au pilori les élus, en changer, les injurier, ne servait à rien, dès lors que la technostructure, les bureaucrates, les hauts fonctionnaires, tous ceux qui profitent du système, non seulement ne changent jamais, mais encore ne sont jamais inquiétés, et a fortiori jamais jugés. Inamovibles, irresponsables et intouchables autant qu’invisibles ceux qui forment cette caste d’incapables continuent à se dissimuler dans la fiction du Service public qui par essence est assimilé au Bien public.
Ce qui a rendu l’Administration française inefficace, ce n’est pas l’adoption des méthodes des entreprises, c’est l’étendue de son pouvoir. Le pouvoir absolu corrompt absolument disait Lord Acton, il serait temps que l'élite qui contrôle l'Etat et à travers lui le pays, passe en jugement. Cela seul pourrait redonner une valeur à la parole de la puissance publique.
Lors de la pandémie covid les Français ont eu la démonstration de la nullité de certains très hauts fonctionnaires qui dirigeaient le système de santé. Il n’y a été donné aucune suite, sinon de l’avancement. Les seuls qui ont été poursuivis auront été les politiques qui ont fait avec ce qu'on leur a dit.
Dans la crise économique, l’Administration est à son affaire, elle distribue des aides. Les Français n’ont aucune envie de mordre la main qui donne. Mais, le moment n’est pas éloigné où les tiroirs caisses seront vides. Il faudra, alors, désigner des responsables. Il sera très préjudiciable que l'on découvre, une fois de plus, que la machine étatique a dysfonctionné.
L’hostilité d’une majorité de Français à la réforme des retraites ne tient pas au rejet des mesures qui vont pousser à travailler plus longtemps, la diminution du nombre des actifs par rapport aux retraités n’échappe à personne. Ce qui coince, c’est la confiance. L’opinion ne fait plus confiance à l’Administration pour définir une réforme équilibrée, ni, pire encore, pour l’appliquer. La crainte sourde mais forte est qu’encore une fois, cela coûte un pognon de dingue sans que les résultats soient au rendez-vous. Alors, attention à la sortie de route !
La recherche de crédibilité est un souci constant de nos Présidents, ils y ont le plus souvent échoué, en croyant qu'il leur fallait pour cela se faire aimer. Emmanuel Macron sait qu'il devra user de tout son crédit pour faire accepter une réforme impopulaire qui néanmoins ne peut pas attendre. Il ne sera pas servi par son comportement au Mondial de football, car sa tentative de captation des quelques reflets de la lumière d'une équipe qui avait su perdre avec panache, relevait plus de celui d'une starlette au Festival de Cannes que de la dignité distanciée d'un chef d'Etat qui n'a pas gagné.
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