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Un projet pour la France… vite !

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 9 juil. 2022
  • 5 min de lecture

Devant le spectre de l’inflation qui pourrait bien être le cinquième des quatre cavaliers de l’Apocalypse, et le plus aventureux à l'instar du quatrième des trois mousquetaires, l’on entend toutes sortes d'assertions étourdissantes.


La plus ahurissante de ces pseudo-évidences, assénées sans vergogne ici et là, et reprise par Louis Schweitzer, ex-patron de Renault et haut dirigeant de Sciences Po, (CF. C Politique sur la 5 le 12 mai 2022) consiste à rappeler que la France a vécu sous une inflation galopante jusqu’au début des années 80 et que cela n’était pas si mauvais, puisque ce mécanisme , au demeurant sain puisqu'il rétablit la vraie valeur relative des biens et services, n'a pas empêché la France de vivre la période la plus faste de son histoire économique, c'est-à-dire les Trente Glorieuses.


C’est escamoter le fait que, dans l’inflation, les agents économiques qui sont les moins bien placés pour négocier leurs revenus sont appauvris. La plupart des petits fonctionnaires, la masse des salariés modestes, tous les retraités sont irrémédiablement sacrifiés. Les mécanismes d’indexation jouant toujours avec retard et partiellement ne parviennent jamais à compenser le déséquilibre social. Sous Giscard et son Premier Ministre Raymond Barre, qu'il proclamait meilleur économiste de France, l'inflation dépassait 13% et l'on n'empruntait pas à moins de 15%. Cette situation, socialement inacceptable de « vie chère » pour les moins protégés dans un pays prospère, a rendu inéluctable la victoire d’une union socialo-communiste en 1981. L'argument de François Mitterrand se résumait en une formule simple : les acquis sociaux, qu'il fallait concéder, puis sur lesquels il convenait de s'arque-bouter. Ainsi la France est devenue championne de la redistribution et y a perdu son industrie et son agriculture.


Aujourd’hui, en conséquence, la situation est toute différente des années 70. La France n’est plus prospère, elle est surendettée. Il ne s’agit plus de redistribuer, mais de recréer des richesses. Faire le gâteau avant de le partager, comme le disait déjà Edgar Faure sous la Quatrième République.


La goualante du « pouvoir d’achat » ressassée par les médias en quête d’auditeurs comme des politiques en recherche de voix, contribue à l’anxiété générale devant l’avenir. Cette inquiétude serait fondée si l'inflation devait perdurer en se conjuguant avec une stagnation économique. En effet, il serait vain de distribuer du pouvoir d'achat, quand c'est le niveau de vie général qui devrait être revu à la baisse.

De fait, le « quoi qu’il en coûte » de la pandémie, et ses déclinaisons électorales pour les présidentielles et les législatives sont les seules armes que le Président Macron paraît savoir mettre en oeuvre.

Or, il est désormais clair que ce remède d’urgence ne pourra se perpétuer indéfiniment. La fête de l'argent magique est finie, mais il faudra bien distribuer la mane publique à ceux dont le niveau de vie est impacté de telle manière qu'ils ne peuvent plus faire face à leurs dépenses contraintes, ce que dans les entreprises on qualifie de frais fixes. Mais, outre que ce remède n'est pas généralisable à l'ensemble de la population, il ne constitue pas une ambition, juste des premiers secours aux sinistrés de la conjoncture.


Le défi devant lequel se trouve la France est d’une autre ampleur.


Il s’agit de reconsidérer son modèle de consommation. Il est impératif de distinguer, non selon les produits qui sont essentiels et ceux qui ne le sont pas, car cette distinction est toujours discutable, mais de cibler les biens et services qui sont productibles dans le pays et ceux qui sont importés, ceux qui sont destructeurs de notre environnement immédiat et ceux qui ne le sont pas. A cet égard, il est nécessaire de ne pas se tromper d’environnement. Si l’on prétend dans notre petit jardin appliquer des principes qui ne sont efficaces qu'à l'échelle de la planète, on usera les énergies et la patience des Français en pure perte et inutilité. Et finalement on ne fera rien. Et c'est regrettable. Non pour donner l’exemple à d’autres qui n'en ont cure, mais pour faire de notre pays un havre de paix et de propreté. Rendre propre notre propre pays. Ne plus chasser le "Gaspi" que dans le domaine de l'énergie, mais dans tous les domaines de la consommation. Une nouvelle culture d'achat pourrait bien naître des circonstances difficiles. On parle depuis des années de patriotisme économique, un peu dans le vide, car les biens jetables à bas prix font la loi. Sans doute devrons-nous apprécier mieux la qualité des produits, si l'on sait qu'ils auront à durer plus longtemps. L'obsession devrait être de décharger les décharges.


Bien entendu, les pouvoirs publics n'ont pas à dicter leurs choix aux consommateurs, mais dans la modulation des efforts environnementaux qu'ils demandent, ils ont la responsabilité de rendre ceux-ci plus responsables.

Le monde est une copropriété où la jouissance de chacun influe sur l’état d’ensemble, mais si nous commençons par soigner nos parties privatives de cette Terre qui aujourd’hui s’étendent à l’espace européen, l’on peut, au moins, améliorer notre cadre de vie, ou, à tout le moins, éviter qu’il ne se détériore de notre fait.


Il faut aussi, et c’est plus classique, reconsidérer le modèle productif. Réindustrialiser est un mot vide dans une conjoncture mondiale de restriction des échanges. L’exportation de biens industriels est pour quelques années une vue de l’esprit. Mieux vaudrait parler de diminuer notre dépendance. Sans doute les échanges pourront encore se développer dans l’Union européenne qui reste un poumon économique sans lequel l’asphyxie serait rapide et inéluctable. Ceci montre à quel point les délires anti-européens sont hors saison et irresponsables.


Reconstruire la consommation et la production de notre pays autour d’un projet réaliste au regard de ses capacités et ses opportunités est un vaste programme. Il comporte un volet culturel de défense des libertés, mais aussi porteur d’un élan national qui condamne un communautarisme qui conduirait à la déliquescence. Le corolaire de cela est le devoir de déterminer le choix de civilisation qui est proposé aux Français au delà d'être de bons consommateurs. On prétend que toutes les civilisations se valent, cela reste à prouver, mais il est certain qu'elles ne sont pas toutes compatibles, et c'est ce hiatus qu'il convient d'affronter. Cela s'appelle prendre conscience de la réalité.


L’esquisse d’une nouvelle société où les Français aient envie de vivre, pour laquelle ils seraient prêts à consentir des efforts, et serait fédératrice d’un patriotisme revivifié, telle est la mission de la politique dans les mois qui viennent. Cette ardente obligation, on l’attend de la part du Président élu, avec une certaine impatience. Mais il n’est pas raisonnable de tout espérer d’un seul, si talentueux soit-il. La présidentielle, comme les législatives n’auront pas permis de faire naître les débats où les lignes de force d’un mouvement nouveau auraient pu se dessiner. Conscient de cet état de fait, E. Macron a, au détour d’une allocution, promis un débat permanent. On doit craindre, à cet égard, le pire, car il pourrait bien se produire dans la rue qui est le moins propice des lieux pour un gouvernement avisé.


Le projet d’avenir français devrait tenir en trois volets : une consommation réorientée vers des biens durables et qu'il est possible de produire en Europe, une production repensée pour le marché européen, une culture revivifiant les principes universels qui sont notre patrimoine et une vision claire de la société vers laquelle les gouvernants proposent de conduire la nation. Tout le contraire du « en même temps ».


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