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Vers le totalitarisme woke

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 23 janv. 2022
  • 6 min de lecture



Les Wokes qui racialisent et genrisent tout ont inauguré un nouveau totalitarisme, la dictature victimaire.


L'expression a l'aspect d'un oxymore, puisqu'il semble difficile d'être à la fois une victime et dictateur. En quelque sorte, ce serait être le « Boureau de soi-même », cette attitude psychologique dont le carthaginois Térence fit un drame et Baudelaire le poème l’Heautontimoroumenos, n’est pas aussi absurde qu’au premier regard l’on pourrait le penser. Il ne s’agit pas cependant pour les Woke de s’autoflageller le moins du monde, mais de revendiquer un statut qui leur confère des privilèges. C’est donc une posture, une stratégie de conquête du pouvoir, et non, comme prétendu, une souffrance réelle. Ce stratagème, pour habile qu'il paraisse, présente néanmoins le risque de se voir enfermer dans le statut de victime, et par le fait d'en devenir une.


Le totalitarisme étant toujours imposé par des minorités agissantes, il est cohérent avec le phénomène woke.


Il ne faut pas s'arrêter au fait que le wokisme soit importé d'outre Atlantique. En effet, les raisons historiques de revendications sont là-bas sérieuses. Du massacre des indiens autochtones à l'esclavage importé et l'apartheid encore sous-jacent, en passant par la Guerre de Sécession, le contentieux des droits humains y est lourd. On peut seulement douter que le wokisme soit, par son aspect revanchard, une manière convenable de panser les plaies.


En Europe, qui pourrait se voir reprocher la colonisation, mais a décolonisé, les racines du wokisme sont plus idéologiques qu'historiques. La société totalitaire vers laquelle il tend se caractérise par le fait qu’elle englobe tous les aspects de la pensée et ne tolère aucune contradiction. C’est, au demeurant, ce verrouillage absolu qui fait le succès de l’idéologie Woke. Par une sorte d'effet sectaire, elle offre un confort sans faille aux esprits peu structurés qui s'y réfugient.


A l’instar des régimes totalitaires où la dissidence est criminalisée, dans la société que veulent instaurer les Woke l’excommunication est l’arme fatale. Elle est brandie contre ceux qui auraient la tentation hérétique de parler hors du dogme militant. La conciliation de chacun des aspects, minoritaire, victimaire et dictatorial et de la diversité des causes défendues, s’opère dans l'objectif de ce totalitarisme qui n'est pas de réaliser l'utopie d'une cité idéale, mais simplement de détruire la société existante. En cela, le wokisme s'apparente à ce que fut l'anarchie du début du vingtième siècle.


Comme les Anars, les Wokes ont colonisé la gauche. Une certaine gauche romantique qui veut avoir raison seule contre tous et s'estime victime du système quel qu'il soit, mais surtout une gauche qui, déboussolée, se perd dans un monde qui va trop vite pour elle et qu'elle ne comprend pas. Cette gauche-là se réfugie dans l'extrémisme, se sachant sur une fausse voie, et pensant néanmoins s'en sortir en accélérant.


Tous les penseurs de gauche ne sont pas dupes de ce piège fatal et plusieurs le dénoncent. Mais, on le sait, il n'y a rien de plus périlleux que de tenter de sauver quelqu’un de la noyade. Les intellectuels qui se veulent de gauche, et essayent d’ouvrir les yeux des égarés de leur bord, en payent le prix. Ils sont taxés de complaisance avec les thèses forcément fascistes et accusés de complaisance nauséabonde avec la droite, par définition extrême.


Les extrémistes sont, en France, toujours traités différemment par les bonnes consciences selon qu’ils sont de droite ou de gauche. Les premiers étant infréquentables, les autres bénéficiant pour leur violence de toutes les excuses. A entendre les jugements moraux qui irriguent les médias, il y aurait les méchants fascistes de droite et les "gentil-fas" de gauche que l’on baptise antifas, alors qu’ils sont, sans doute, aujourd’hui, les plus virulents ennemis de la démocratie.


On aurait tort de sous-estimer la capacité de nuisance du phénomène Woke. Mais avant de s'interroger sur la meilleure manière d'y faire face, la question que l'on doit se poser est pourquoi tant de professionnels de l’information se laissent prendre à ce traquenard intellectuel.


C’est d'abord l'effet des réflexes conditionnés, hérités de l’époque du marxisme, où le bien et le mal avaient chacun leur place assignée, qu’on relève. Dans cette école de pensée, l’on n’hésite pas à réécrire l’histoire et biaiser l’information, si c’est pour la bonne cause. Et quand le pli est pris, la mauvaise foi devient une seconde nature.


Il faut, ensuite, considérer que le conformisme woke prospère sur des valeurs empruntées à la civilisation occidentale, mais dévoyées, car poussées à un absurde où elles se contredisent. Ainsi, par exemple quand pour combattre le racisme on racialise à tour de bras ; ou quand on pratique l’exclusion pour promouvoir l’inclusion. Néanmoins, dans le discours woke, les hauts principes humanistes étant agités, il est facile de s'y laisser prendre.

Les médias y sont d'autant plus vulnérables qu'il n’existe pas de pensée post-dialectique. C’est donc à un copycat de la lutte des classes que l’on assiste.


Au bout de la stratégie woke, il y a, inévitablement, une dictature, celle des minorités victimisées. Bien entendu, cette prise de pouvoir sur le peuple devra s’exercer par le truchement d’une superstructure administrante qui a vocation à écarter l’élite en place pour la remplacer. L’épuration a commencé. On voit tous les jours les têtes de gondole dégringoler comme à la foire du Trône. Le néopuritanisme woke qui en est l’instrument est à l’œuvre. La présomption de culpabilité masculine en matière sexuelle, la suspicion systématique de racisme, de néocolonialisme, l'imputation de provocation à la haine, l'accusation d'islamophobie, la dénégation de la liberté d’expression, la censure généralisée, tels sont les instruments de démolition que les médias colportent faute de recevoir une réponse alternative de l'élite dirigeante. Parmi ceux qui sont dénoncés à la vindicte populaire, il existe évidemment des coupables, mais tous ne le sont pas, et le tribunal médiatique ne fait pas le détail.


La toxicité du wokisme est, en outre, amplifiée par la propension des intellectuels français au conformisme. Ce péril n’existe pas aux Etats-Unis où le politiquement correct est né, mais n’a jamais éliminé la pensée incorrecte, car c’est le pays de la liberté, parfois excessive, mais toujours considérée comme valeur suprême. Dans la vieille Europe, et particulièrement en France, l’on ne sait pas marcher hors des clous. Il faut être dans le courant de la pensée dominante, à défaut l’on ne pourra faire carrière.

L’esprit de système est indissociable du mental français. Le jardin à la française, l’ordre géométrique de Versailles sont des images fidèles du génie national. Dans notre pays, la nature doit être disciplinée. Les faits doivent se plier aux théories et non l’inverse. Le terrain est donc favorable aux idéologies structurantes, même et surtout si elles passent par la contestation de la société existante qu'elle rêvent de déconstruire. Telles sont les raisons que l'on peut distinguer de la soumission de l'audiovisuel et d'une partie de la presse à la mode intellectuelle du wokisme.


Le constat d’une fracture entre le peuple et les médias « mainstream » est flagrant. Au moment où les signaux se multiplient d’un mouvement de la population française vers la droite, un homme de gauche raisonnable et compétent tel qu’Hubert Védrine déclare que « l’ensemble des médias de centre gauche est devenu gauchiste ». D'autres justifient la nécessité de privatiser l’audiovisuel public (c’est-à-dire, financé par l’impôt), par sa partialité gauchisante.

L’élite française d’Etat, celle que l’on peut désigner comme les Cinq Mille, qui contrôle les médias où prospèrent ses hiérodules, n’a rien vu venir du virus woke. Pourtant, majoritairement composée de mâles blancs, elle est la cible privilégiée de l’intersectionnalité woke, dont elle constitue l’ennemi commun.


Cette méritocratie masculine se croyait, par exemple, à l’abri des outrances de l’ultra-féminisme, protégée par la tradition gauloise. La galanterie, spécificité française, est pratiquée du haut en bas de l’échelle sociale. En regardant le sommet on peut constater une évolution. De Gaulle, dit-on, ne détestait pas culbuter la soubrette, Mitterrand avait un joli tableau de chasse, Giscard se vantait de « péchau » de la princesse, Chirac pratiquait le « cinq minutes douche comprise », Sarkozy et Hollande faisaient de leurs problèmes d’alcôve des questions politiques. Mais les temps ont changé. Macron est le premier Président de la Cinquième République non-genré. Désormais, le sexe fort disqualifie. Avec #metoo, la « peur a changé de camp ». C’est le retour du balancier. Emmanuel Todd aura beau démontrer avec toute sa science de démographe que le patriarcat n’a pas été en Occident, et particulièrement en France, le régime exécrable que l’on dit, la cause est entendue, il s’agit désormais pour les convertis au wokisme d’écraser l’infâme.


Avec terreur, nos CInq Mille découvrent incrédules que dans les universités, et les écoles de sciences politique, où se prépare la relève, il se constitue une contre-élite. Mais tels des poulets qui auraient trouvé un couteau, ils ne comprennent pas que l’usage de cet instrument est destiné à leur couper le cou. N’ayant jamais appris à penser par eux-mêmes, et n’ayant, au fond, pour seule idéologie que celle de leur carrière, les Cinq Mille sont désarmés face aux activistes déterminés des divers courants woke dont, sans le comprendre, ils sont le gibier.


La société française aura-t-elle l’élan et le ressort pour ne pas céder au totalitarisme moralisateur et à la dictature de la déconstruction ? Il faudrait pour cela qu’elle renouvelle son élite et en sécrète une qui ait le courage d’empoigner enfin le réel tel qu’il est. Pour l’heure, hélas, celle de nos dirigeants que l'on voit se déliter sans combattre se complait dans le « pas de vagues », le mot d’ordre capitulard qui précède le désordre, et à terme la disparition.


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