Vladitine Poumir maître du MêmKrelin
- André Touboul
- 19 mars 2023
- 3 min de lecture

Quand Alfred Jarry a commis la pièce tragicomique Ubu roi, représentée pour la première fois le 10 décembre 1896, (comme le temps passe), il extrapolait les divagations d’un tyran, en conformité avec les canons ( Poum ! Poum ! Poum ! ) de l’école surréaliste qu’il précédait de plus de vingt ans. Mais aujourd’hui la réalité surpasse la sur-réalité. L’Ubu de nos jours n’est autre que Vladitine Poumir.
On a cherché d’autres parentés entre Vladitine Poumir maître du Mêmkrelin et d’autres dictateurs.
Ivan le terrible a été nominé, comme l’on dit aux Oscars. C’est très abusivement, car si le personnage était une brute qui, entre autres, tua l’un de ses fils qui s’interposait pour défendre sa propre femme enceinte agressée par le Tzar, son nom résulte d’une erreur de traduction ; en russe Ivan Grozny, signifie Ivan le redoutable. Bien qu’il brandisse la menace nucléaire, Poumir ne parvient pas à être pris au sérieux. On dit même que s’il disparaissait celui qui le remplacerait au MêmKrelin serait pire.
Adolf Hitler a été aussi proposé, mais le tragique du magnétisme maléfique du personnage nazi est totalement absent chez Vladitine qui ne peut se départir de la mine étroite de petit fonctionnaire soviétique qui est la sienne, C’est désespérément que Poumir mime une démesure au dessus de ses moyens, perdu dans des palais trop grands.
On a proposé Staline, lui-même le revendique comme exemple. Mais jusques dans le crime, il faut de la dimension pour rivaliser avec l’ogre géorgien. Trop petit mon ami, dirait James Hadley Chase.
Ceux qui voient en Poumir un Folamour n’ont pas tort, mais notre Ubu tient trop à la vie. Sa grandiloquence poussive n’est qu’un discours auquel il ne croit même pas lui-même. D’ailleurs, comment un ancien KGBiste pourrait-il croire en quelque idéal que ce soit ?
Comme Ubu, Vladitine Poumir n’a pas été assez craint par le monde alentour. Nul ne l’a vu venir. Ses rodomontades sont passées pour du folklore.
Devenu seul maître du Mêmkrelin, palais aux tours pointues de toutes les couleurs, il s’est entouré de gredins dont les mensonges apeurés et l’incompétence le mirent dans la ‘merdre’.
Cet Ubu n’est pas un autiste politique et moral, c’est un cynique. Non pas au sens de la philosophie de Diogène. L’autosuffisance de Vladitine-Ubu n’est pas celle qui recommande de se contenter de peu. Le cynisme est de nos jours tout autre chose. Le profane considère le cynisme comme une attitude ou un état d'esprit caractérisé par une défiance dans les motifs ou les justifications apparentes d'autrui, et un manque de foi ou d'espoir dans l'humanité. Au cynique, on ne la fait pas. Lui-même, portant le masque de la duplicité, il est prompt à démasquer tous et chacun.
Au Mêmkrelin les courtisans sont cousus d’or qu’ils volent au peuple. Tous, ils reçoivent de hautes fonctions dont ils sont indignes, mais chacun tremble devant le froid Poumir. De toute sa petite taille, il les domine. La star des moscovites gouverne les mots. Il change celui de guerre en ‘opération spéciale’, et malheur à ceux qui mésuseraient des bons usages en employant le mot ancien. Il a aussi une armée dont il est interdit de médire sous peine de graves sévices corporels et autres. Mais pour palier ses insuffisances, il fait appel à des milices qui sont des assassins déguisés en musiciens allemands. A leur tête, ce n’est pas Bougrelas, mais Grasboudin, ainsi nommé parce qu’ancien cuistot. Il enrôle aussi des escouades de tueurs mahométans qui font d’horribles grimaces pour faire peur.
Les défaites de ses Généraux sont des conformités au plan que Poumir lui-seul connaît. Vladitine est aimé du peuple d’une dévotion obligatoire. Il n’a pas d’opposition, car il n’aime pas la contradiction. Il n’est jamais malade, même entouré de médecins jour et nuit. Il en fait courir le bruit pour mieux démasquer les traitres, et enrager ses ennemis, du dehors, forcément, puisqu’au dedans, il n’en a guère. Poumir ne craint pas le ridicule, car il a proscrit le rire, sauf dans les cimetières militaires où il est de rigueur. Ses soldats sont innombrables, jetables, et heureux de mourir pour ses idées. Ce n’est pas de la Pologne que Poumir veut s’emparer comme Ubu, mais de l’Ukraine. La Pologne sera pour après.
On ne sait comment finira le règne de Poumir, derrière qui commencent à courir les Juges qui jugent les plus grands criminels. Comme Ubu, il a sans doute préparé sa fuite. On espère qu’il ne choisira pas comme lui Paris comme point de chute.
La seule différence entre Ubu et Poumir est que le premier était un pauvre type manipulé par la mère Ubu son épouse, alors que le second semble puiser sa médiocrité dans ses propres ressources.
Toute ressemblance avec un personnage existant serait une pure coincidence, ou alors une contrepétrie. Aucun animal n’a été maltraité pour cette rubrique.
Comments