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Wokie-talkies

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 14 janv. 2023
  • 4 min de lecture

Entendez-vous le Wokie-talky ? On pose évidemment cette question à ceux qui tentent de discerner ce qu’il y a de pertinent dans le « parler woke », dialecte de ceux qui se sont emparés du privilège d‘énoncer le politiquement correct de notre temps, tout autre discours devant être « cancellé », c’est-à-dire, en français, supprimé comme immoral.


Cette novlangue est pratiquée par ceux qui réinventent les autodafés de l’Inquisition et les heures sombres de l’Allemagne. Brûler des livres, corriger les grands classiques, voire les interdire, défigurer l’orthographe par de l’inclusion intempestive, ceci ne les arrête pas. Mais aussi, déboulonner à tour de bras les gloires du passé, dégenrer l’individu dans tous les compartiments de sa vie, cela procède d‘une stratégie globale qui tend à démontrer à quel point notre culture est viciée et qu’il faudrait d’urgence changer.


L’offensive a lieu sur tous les fronts, elle est globale et généralisée, il faudrait un livre entier pour en démonter l’inanité, chapitre par chapitre, article par article. Elle se caractérise cependant par un élément commun à presque tous ses registres : elle ne recule devant aucune absurdité logique. Depuis Aristote, on admet le principe de l’incompatibilité des contraires. Pour la pensée woke, on peut être raciste par antiracisme, et un innocent en fait, peut être coupable par nature, peut importe qu'il n'ait pas commis les faits reprochés, puisqu'il rempli les critères de la culpabilité, ainsi la Justice peut être injuste sans cesser d'être juste… Bref, la cohérence n’est pas une exigence de ce discours qui se prétend légitime pour régner sur les esprits. On en prendra ici, un exemple, qui ne se réclame pas ouvertement du parler woke, mais, en réalité, procède de la même farine.


L’argument à la mode, dans les milieux contaminés par le wokisme, est que nous, les Français et plus largement les Européens, donc les blancs ou catalogués comme tels, sommes racistes. La preuve en est que l’on s’émeut pour les Ukrainiens, alors que l’on resterait indifférents aux misères, guerres, massacres, génocides et autres cataclysmes qui surviennent ailleurs, et précisément quand cela touche des populations non-blanches.

Comme beaucoup de prédicats wokes, ce prétendu constat réussit le tour de force d'allier une feinte naïveté à la mauvaise foi, deux dispositions d'esprit qui, pourtant, sont en principe antinomiques. La bonne parole médiatique, dominée par la doxa wokie-talky, est en l’espèce de mauvaise foi, car il est faux de dire que l’Europe ne fait rien pour les pays qui ont besoin d’aide de par le monde. L'Union européenne est le premier donateur de la planète. Sa contribution a été de 70,4 milliards d'euros en 2020, soit 46,6 % de l'aide à l'échelle mondiale. L'argument woke, pour être de multiples fois répété, n'en est pas moins controuvé.


Le plus topique est qu’il est en même temps la marque d’une apparente naïveté. Car il faut être ingénu pour reprocher aux démocraties leur absence d'intervention armée sur des théâtres lointains. On ne fait la guerre, quand on est civilisé, que contraint et forcé. Pour se défendre. Les soldats Français sont allés mourir au Sahel pour combattre un djihadisme qui effectuait des attaques terroristes sur notre sol. On peut discuter de la pertinence de ce moyen, il n’en reste pas moins que le motif déterminant a été celui de la légitime défense. La guerre est une chose trop grave pour en user sans modération.


Ni la France, ni aucun des autres pays d’Europe n’est belligérant en Ukraine. Le soutien à l'agressé en fourniture d’armes est à la mesure de l’atteinte que l’invasion russe comporte pour notre sécurité.


Quant aux sanctions économiques que certains partis populistes extrêmes de droite et gauche critiquent comme créant des désagréments pour notre population, elles relèvent du simple bon sens. Il serait stupide de faire du commerce avec les agresseurs d'un l’état de droit international qui nous protège. Lénine disait que les capitalistes étaient tellement stupides qu’ils vendraient aux communistes la corde avec laquelle ils les pendraient. Les sanctions à l’égard de la Russie fauteuse de guerre montrent qu’il n’avait pas tout à fait raison. L‘invasion de son voisin par le régime de Poutine a révélé la dépendance de certains pays d’Europe aux produits énergétiques russes, qui était sur le point de devenir un asservissement politique. Comme souvent dans les pays démocratiques, la prise de conscience des dangers est tardive, mais salutaire. Le terme de sanctions est sans doute moins approprié que celui de mesures de découplage, qui elles relèvent de l’instinct de conservation.


Des conflits oubliés, enfin, il y en a malheureusement beaucoup. Ils concernent parfois comme en Arménie des populations dites blanches. La raison de cette occultation est plus à rechercher au registre de l’impuissance que de l’indifférence. Le sort des chrétiens d’Orient mériterait de s’émouvoir, comme celui des Ouïgours de Chine, mais la raison pour laquelle nous ne faisons pratiquement rien dans les deux cas est la même. Nous n’y pouvons rien, rien de mieux que protester.


Dans tout ceci, il n'y a aucune solidarité raciale vis-à-vis des Ukrainiens, qui au demeurant sont victimes de Russes tout aussi peu "colorés", pour reprendre un vocabulaire woke qui voudrait nous obliger à appeler "black" un noir, comme pour s'excuser d'avoir remarqué sa couleur de peau.


En fait, le grief des grands inquisiteurs du wokisme, n'est que la résurgence du fameux droit d'ingérence de la fin du siècle dernier, en le transformant en un devoir d'intervention. Or, c'est cette négation de la souveraineté des Etats qui poussait à déloger des dictateurs dans l'espoir de voir leur succéder des printemps démocratiques, que les pères la vertu d'aujourd'hui condamnent vigoureusement. Ils en font l'exemple de l'impérialisme occidental honni, et de ses échecs tant au plan du chaos instauré par des conflits locaux qu'au regard de la porte ouverte à l'immigration que constituent les Etats déliquescents.


Sans craindre la contradiction dans leur propos, ils condamnent l'intervention occidentale quand elle se produit tout autant que son absence, de même, ils vitupèrent contre la domination des Etats-Unis sur le monde, en même temps qu'ils déplorent leur isolationnisme.


Cette schizophrénie n'est pas nouvelle. Elle était déjà le lot des maoïstes qui scandaient  »il est interdit d'interdire », alors que la Chine était un exemple rarement égalé de confiscation de la liberté. Cette attitude n'est, au fond, pas surprenante, car les wokes d'aujourd'hui sont, en France, les petits-enfants des soixante-huitards. Ils en ont les réflexes de démolisseurs. Gageons que l’âge de raison venant, ils finiront, comme eux, en limitant leur communisme à la dégustation de cigares cubains dans les Conseils d’administration.



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